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CE 07.07.11 Essor des énergies renouvelables de plus en plus compétitives
Depuis la catastrophe japonaise, les titres liés aux énergies renouvelables ont grimpé en Bourse. Pour Marie de Mestier et Dominique Pouliquen, gérants du fonds luxembourgeois IT Funds Clean World, il ne sagit pas dun rebond passager mais bien dun renouveau de la filière: «Sans conteste, la remise en question de la sûreté du nucléaire va avoir des répercussions sur les sources dénergies renouvelables.»
Le nucléaire intrinsèquement de plus en plus coûteux
Si le nucléaire a longtemps été considéré et présenté comme lune des sources de production délectricité les moins chères (4-10 centimes de dollar/kWh), la prise en compte des coûts de démantèlement, de traitement des déchets, des intérêts, ainsi que des coûts de révision (plus de 400 millions deuros par réacteur en France), le rend moins compétitif que léolien (5-10 centimes de dollar/kWh). Cétait déjà le cas depuis quelques temps dans beaucoup de pays et régions comme par exemple la Turquie où le secteur na à ce titre disposé daucune aide.
Si lon sintéresse au solaire, dont les technologies deviennent matures et dont les coûts de production diminuent de façon constante, le Gigawatt produit sera bientôt inférieur à celui issu du nucléaire. La parité réseau se rapproche dailleurs à grands pas au plan mondial et lest déjà dans plusieurs pays et régions.
Les derniers rapports des universités Duke et Stanford, entre autres, confirment avec détails et sont mêmes plus optimistes, tenant compte des derniers développements technologiques, y compris des coûts et évolutions du stockage, thème qui avance également rapidement avec des rendements souvent très élevés (jusquà 95% actuellement), offrant une tout autre conception de la distribution et de lexploitation délectricité, adaptable à la plupart des pays et situations.
En Californie, parmi dautres, le coût de lélectricité conventionnelle est équivalent à celui du solaire. Les grands bénéficiaires sont donc les acteurs de la filière renouvelable qui profitent non seulement dun regain dintérêt de lopinion publique mais aussi des gouvernements qui revoient leur programme de financement. Par exemple lAllemagne a pour ambition de débloquer près dun milliard deuros contre 300 millions lan dernier.
LAllemagne sest préparée avant même 1990
En plus de lAllemagne qui a abandonné le nucléaire (dont la part renouvelable est passée de 6% en 2000 à 18% en 2010, est prévue à 39% en 2020 et 80% en 2050, en moyenne sans importation nette dénergie française, lAllemagne exportant à lheure actuelle plus vers la France que le contraire et grâce à laccroissement rapide du réseaux ENTSO-E ), la Suisse a jugé que lénergie nucléaire perdait ses avantages concurrentiels par rapport aux énergies renouvelables. Cest ainsi que le gouvernement fédéral a justifié en mai dernier sa décision darrêter le programme nucléaire du pays, les centrales seront en conséquence toutes fermées dici à 2034. La Suisse pourrait alors devenir sans peine lun des premiers pays dEurope à avoir une production délectricité 100 % renouvelable, comme ce vers quoi sorientent plusieurs autres pays, régions et de plus en plus souvent villes.
LItalie qui avait abandonnée le nucléaire dès 1987 a reconfirmé sa position par référendum récemment. En Asie le Japon, où la population est désormais très majoritairement hostile au nucléaire, a mis un terme à ses projets et se tourne également largement vers les énergies renouvelables et lefficacité énergétique. Plusieurs pays ont choisi ou sont sur le point de choisir cette voie.
La crise a jeté une lumière crue sur les coûts réels de lélectricité produite par lénergie nucléaire dont la compétitivité est remise en cause. Ce ne sont plus cette fois seulement les écologistes qui laffirment depuis longtemps tout comme les financiers, mais également les industriels de la filière nucléaire eux-mêmes.
Aux États-Unis par exemple où lintérêt économique du nucléaire et le problème des déchets font lobjet de vives critiques, Thomas OMalley, pdg dEnergy Group, lun des principaux opérateurs délectricité américain, estime que lindustrie nucléaire est devenue trop chère et en conséquence son groupe renonce à un important projet de centrale nucléaire.
Les chercheurs du géant américain General Electric ajoutent que la seule énergie solaire photovoltaïque, parmi dautres énergies renouvelables, « va être plus compétitive que lénergie fossile et nucléaire dici 3 à 5 ans seulement » comme le rapporte Mark M. Little, directeur général de la recherche de GE. De nombreuses études depuis plusieurs années prévoyaient déjà cette situation.
En Europe, Gaetan Masson, économiste à lEuropean Photovoltaic Industry Association (EPIA), prévoit que lélectricité solaire sera compétitive en Allemagne, dont le parc est le plus développé dEurope, en 2017. Et au plus tard en 2020 en France comme dans la majorité des pays européens où il est déjà très concurrentiel dans plusieurs grandes régions.
Ainsi, dans les régions fortement ensoleillées comme la Californie, le Maghreb, en Turquie ou encore dans le sud de lItalie et de lEspagne, lélectricité solaire est devenue compétitive. Cette tendance saccroît et sétend, pas seulement pour les grandes installations, mais également pour celles des particuliers sans aucune aide ni subvention.
Hans-Jörg Bullinger, président de lInstitut Fraunhofer (englobant plus de 2.000 scientifiques répartis dans 16 divisions thématiques sur les énergies renouvelables), lun des plus importants centres de recherche appliquée dEurope qui fait partie, avec la société Max-Planck et la communauté des centres Helmholtz, des principaux acteurs de la recherche extra-universitaire allemande, confirme « que les énergies renouvelables sont désormais économiquement viables et leur potentiel technique est au-dessus de la demande » Les chercheurs travaillent à lheure actuelle au sein de lorganisation sur des concepts et des technologies qui permettront largement leur essor au cours des décennies à venir.
Lallemand Siemens, qui avait rompu son alliance avec Areva il y a deux ans pour nouer un accord pourtant très ambitieux avec le russe Rosatom, a annoncé son intention de délaisser la filière nucléaire au profit des énergies renouvelables. Le patron du groupe allemand avait dailleurs été lun des rares à ne pas signer lan dernier une lettre ouverte du patronat allemand en faveur de lénergie nucléaire, ce qui pouvait déjà laisser supposer que ce nétait plus là un axe prioritaire de la multinationale.
La Banque suisse Sarasin dans sa dernière étude prévoit une croissance mondiale moyenne de 33% par an pour le solaire en même temps quune baisse des prix de 10 à 20% par an. Cette tendance est confirmée par le recul des valorisations boursières au niveau du cours des actions des industries matures comme les semi-conducteurs ou lélectronique, souligne-t-elle.
Pour les spécialistes de la banque suisse, lénergie nucléaire nest tout simplement plus concurrentielle face à des énergies renouvelables dont les coûts ne cessent de baisser. Suivant les pays, certains opérateurs très impliqués tentent de préserver un monopole ou une industrie en investissant par ailleurs dans les énergies renouvelables, dautres comme aux Etats-Unis sont plus pragmatiques face aux réalités. En France la situation est difficile pour des groupes comme EDF et Areva, attestés entre autres par les remaniements récents.
Lensemble de la gamme solaire ne fait pas exception, du photovoltaïque à concentration (CPV) aux grandes centrales thermiques (CST). En 2015, le coût moyen actualisé de lélectricité CPV serait de 8 c$/ kWh seulement selon PV-Insider et les CST attirent désormais un nombre croissant de grandes entreprises comme Chevron, Alstom, Areva, Siemens etc.
Dans le même temps, « le coût dinvestissement et/ou de production de lénergie nucléaire ne cesse daugmenter avec le temps. Cest même lune des caractéristiques de lindustrie nucléaire que lon ne retrouve nulle part ailleurs : tous les bénéfices de la courbe dexpérience sont neutralisés par la complexification croissante des projets. » souligne le chercheur Arnulf Grubler, démontrant sur lexemple français une évolution quasiment linéaire des coûts au kilowatt depuis 1977.
Entre 1977 et 1998 en effet, les coûts dinvestissements ont été ainsi multipliés par 2,6. Celui de la centrale de Flamanville, qui utilise les nouveaux réacteurs EPR (3.500 euros/kW), confirme cette progression linéaire. « Laugmentation des coûts est intrinsèque à ce type de technologie qui se caractérise par une complexité croissante, très difficilement gérable et qui vient contrarier les effets a priori positifs de la standardisation et de leffet déchelle. » précise le spécialiste. Et ce sans intégrer lensemble des coûts de cette filière, qui sont nombreux et parfois très supérieurs à ce qui pouvait être initialement évalué. Le coût du démantèlement indiqué par les britanniques et allemands est excessivement élevé et toujours en décalage par rapport aux chiffres initiaux. On connaît les conditions désastreuses dextraction du minerai dans les pays en développement et leur impact négatif sur les populations et lenvironnement. Le coût de la gestion des déchets durant les prochains siècles et pour certains déchets ultime une centaine de milliers dannées, nest évidemment pas inclus dans ce prix. Pas plus que celui des dégâts en cas daccident majeur que les assureurs refusent systématiquement de couvrir. M. Repussard, directeur général de l'IRSN (Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire), rappelle à ce titre que le risque dune catastrophe nucléaire est évalué par son institut et comme le confirment les études statistiques américaines, entre autres, à une tous les 22 ans dans le monde.
Le professeur déconomie François Lévêque, dans une étude publiée sur le site Energypolicyblog.com, démontre également que les évaluations de coûts progressent au fur et à mesure de la date à laquelle elles sont réalisées. Il est en effet difficile dimaginer que ces derniers décroîtront du fait des nouvelles exigences de sécurité imposées par les États mais également par les assureurs, les agences de notation et les financiers, comme ladmettait déjà Anne Lauvergeon ex-dirigeante dAreva. Chacun réclame en effet de plus en plus de garanties : le préjudice estimé de Fukushima sélève à plus de 100 milliards de dollars, une facture qui sera très largement supportée par le consommateur japonais.
Dans cette trajectoire, les énergies renouvelables gagneront entre autres mécaniquement dautant plus en compétitivité.
Multiplication des fusions & acquisitions
Les fusions-acquisitions se multiplient et sont également favorables au secteur. Une des plus importantes opérations ces derniers mois a été la prise de contrôle par le pétrolier Total du numéro 2 du solaire américain SunPower (2,2 milliards de $ de CA en 2010, 178 M$ de bénéfices, 5000 personnes), légende de la Silicon Valley fondée en 1985. « J'en suis tombé de ma chaise ! », commente un analyste interrogé par le San Jose Mercury News, quotidien phare de la Silicon Valley. « Cela veut dire que SunPower devient la division solaire de Total. Les compagnies pétrolières s'engagent à fond dans le secteur ». Le groupe français, déjà impliqué dans le solaire depuis 1983, sinvestit en effet désormais très largement dans le secteur et affiche clairement lambition de devenir un leader mondial de lénergie solaire. Plusieurs analystes interrogés par Bloomberg s'attendent également à d'autres rachats de ce type par des concurrents de Total. Avec au premier rang Chevron qui évaluerait la technologie de 7 cibles potentielles.
Marie de Mestier et Dominique Pouliquen, gérants du fonds luxembourgeois IT Funds Clean World, soulignent que pour la première fois le solaire photovoltaïque est devenu en 2010 la locomotive des énergies renouvelables en Europe, avec une croissance de plus de 120%. La capacité totale installée sélève à présent à plus de 29GW, léquivalent de 22 réacteurs nucléaires (une tranche de centrale française délivre en moyenne une puissance de 1.3GW). Le reste du monde nest pas en reste. Bien que lEurope concentre 80% des panneaux solaires, lélectricité solaire connaît un engouement sur lensemble des continents. LAsie se veut lun des plus ambitieux en termes de développement : la Chine, qui réservait une grande partie de sa production à lexportation, cherche aujourdhui à équiper son propre territoire (+150% de croissance en 2010) et a récemment relevé son objectif 2020 à 50GW. Mis à part les marchés établis, plusieurs autres comme par exemple le Brésil, lIndonésie, lAfrique du Sud et du Nord, la Thaïlande, la Turquie etc. pour ne citer que ces seuls pays émergents, sont dès à présent très prometteurs pour le secteur du photovoltaïque et offrent un gigantesque potentiel de production de courant solaire.
Les fonds de pension investissent les énergies renouvelables
Les fonds de pension investissent également désormais de plus en plus dans les énergies renouvelables, précisant en attendre un rendement annuel « près de 3 fois supérieur » à celui obtenu par le HFRX Global Hedge Fund Index. Cest le cas récemment du fonds Kirsten Gosvigs, de PKA, PGGM etc.
Torben Moger Pedersen, CEO de PensionDanmark estime que « les investissements dans les parcs éoliens sont parfaitement logiques, le risque et la sensibilité au cycle économique mondial sont nettement inférieurs aux investissements en actions ».
SAM, filiale de Robeco exclusivement dédiée à linvestissement durable dont le Sam Smart Energy Fund entre autres est réputé pour ses résultats, a quant à elle publié début juillet 2011 sa deuxième étude sur le marché mondial du private equity dans le domaine des technologies propres, intitulée «Clean Tech Private Equity : passé, présent et futur ».
Momentum à nouveau positif pour le private equity
Les conclusions indiquent que « ce marché connait une nouvelle poussée de croissance que les investisseurs peuvent exploiter par le biais dinvestissements ciblés. L'industrie des énergies propres, en particulier, semble prête à continuer son développement supérieur à la moyenne. Elle profite de la plus grande compétitivité des coûts par rapport aux sources d'énergies traditionnelles, ainsi que dune forte demande pour des solutions énergétiques propres et sûres.»
Le vieillissement des infrastructures dans le monde entier va nécessiter un travail intense. En réponse à ces importants défis, « le secteur des technologies propres propose de nouvelles technologies, moins chères, plus efficaces et moins nocives pour l'environnement » souligne cette étude.
Andrew Musters, responsable du Private Equity chez SAM, précise : « Etant un des leaders dans le monde en gestion de fonds de fonds sur les technologies propres, nous avons observé un momentum de gain en sorties de marchés car les multinationales achètent des entreprises de technologies propres afin de stimuler la croissance de leur entreprise.
Nous avons également remarqué que les conseillers des principaux fonds de pension amènent de plus en plus leurs clients à investir dans des secteurs sensibles au climat, comme couverture à long terme contre les risques liés.»
« Le subventionnement du secteur des énergies propres est progressivement abandonné et la plupart des autres industries de technologies propres ne reçoit aucune subvention. Ces secteurs profitent des nouveaux modes de consommation, des nouvelles politiques énergétiques et des stratégies d'entreprise prévoyantes. »
Par ailleurs, les flux de capitaux vont continuer à être très importants sur les technologies propres au cours des années et décennies à venir « la demande en énergies renouvelables est particulièrement élevée dans les économies émergentes à croissance rapide.»
Dans le passé, les énergies renouvelables avaient tendance à être financées au niveau régional ou national, mais les évolutions décrites ci-dessus ont incité les investisseurs mondiaux à devenir eux aussi plus actifs. L'industrie des technologies propres sera elle-même soumise à un processus de consolidation dans lequel les grandes entreprises internationales joueront un rôle clé. Les sociétés de gestion de fonds apporteront également leur contribution en développant des solutions d'investissement pour satisfaire la demande. De nouveaux marchés et produits d'investissement émergeront, en particulier dans les pays en voie de développement où les impulsions seront données par les petites et moyennes entreprises innovantes.
Depuis 2005, plus de 50 milliards $ ont été investis dans 293 introductions en bourse, dont les deux tiers se déroulent sur les places boursières asiatiques. Entre 2005 et 2010, d'importants investissements ont été effectués dans 900 projets de fusions et acquisitions pour un volume total de plus de 175 milliards $. Les fonds Clean Tech ont investi plus de 44 milliards $ depuis 1994. Plus de 290 fonds ont été clos avec succès depuis lors. Cela génère des opportunités d'investissement attrayantes et diversifiées pour les investisseurs institutionnels et privés.