Droit
- Avancement
d'hoirie,
donation faite à un héritier présomptif, par anticipation sur sa part dans la succession ; ensemble des biens faisant l'objet de cette donation.
De quoi héritent les enfants, conjoints et beaux-enfants?
En Belgique, il est impossible de déshériter ses enfants. Ils peuvent toujours exiger la partie de votre héritage qui leur est réservée. Mais quelle est cette part réservée d’office à vos enfants? Que pouvez-vous faire pour augmenter - ou réduire - leur part d’héritage?
Selon le droit successoral belge, les enfants sont des héritiers réservataires. Ils peuvent toujours exiger de recevoir une partie de l’héritage de leurs parents. En tant que parent, vous ne pouvez disposer librement de cette part réservataire. Mais de plus en plus souvent, des voix s’élèvent pour qu’il soit possible de déshériter ses enfants. Même si une adaptation de la loi va déjà en ce sens, rien ne changera vraiment à court terme. Les projets de modernisation de la ministre de la Justice, Annemie Turtelboom, laissent la réserve des enfants inchangée.
Quelle est actuellement la part réservataire?
L’étendue de la part réservataire, ou "réserve", dépend du nombre d’enfants du défunt. S’il n’a qu’un seul enfant, ce dernier aura droit minimum à la moitié de l’héritage. Deux enfants peuvent prétendre minimum à deux tiers de l’héritage, trois enfants ou plus à au moins trois quarts.
Mais on ne se limite pas aux biens du défunt au moment du décès. "Les enfants ont droit à une part réservée de ce qu’on appelle la masse fictive. En plus des biens existant au moment du décès, elle comprend aussi toutes les donations du défunt au cours de sa vie qui sont comptabilisées fictivement dans les biens du défunt", explique Renate Barbaix, avocate chez Greenille et professeur à l’Université d’Anvers. Il s’agit donc de tous les dons, que l’on ait ou non payé des droits de donation au moment où ils ont été effectués.
Quels sont les enfants concernés?
Tous les enfants naturels et adoptés. On ne fait ici aucune différence entre les enfants nés de la relation actuelle, d’une autre relation, ou d’enfants nés hors mariage. Tous les enfants sont égaux et jouissent des mêmes droits. Les beaux-enfants ne sont pas pris en considération. "Même s’ils grandissent dans la famille avec leur beau-parent, les beaux-enfants n’héritent pas automatiquement de leur beau-père ou de leur belle-mère, et ils ne sont pas réservataires", explique Ann Maelfait, avocate chez Rivus. "Le droit successoral belge est un droit du sang: les membres d’une même famille héritent automatiquement les uns des autres. Seul le droit successoral qui concerne le conjoint survivant ou les cohabitants légaux y fait exception."
Quid si la réserve d’un enfant n’est plus disponible?
Dans ce cas, l’enfant pourra réclamer sa part réservataire. Dans le jargon, on parle "d’action en réduction". "Ce problème ne se présente que si le défunt a lui-même pris des dispositions, par exemple via un testament, ou a fait trop de donations", poursuit Renate Barbaix.
Puis-je déshériter mes enfants au bénéfice de mon conjoint?
"Les conjoints mariés peuvent reporter le droit d’héritage réservataire de leurs enfants communs jusqu’au décès du conjoint survivant", explique Vincent Hovie. "Si vous êtes marié sous le régime légal – communauté des biens –, l’entière communauté du mariage pourra être attribuée au conjoint survivant. Dans le langage populaire, on appelle cela "au dernier vivant tous les biens". Les enfants communs ne peuvent contester, pour autant qu’aucun "bien propre" ne fasse partie de l’héritage. "Pour les enfants qui ne sont pas communs, c’est contestable".
"Les conjoints mariés sous le régime de la séparation des biens peuvent opter pour une clause de répartition finale", poursuit Ann Maelfait. "C’est un contrat de mariage intelligent qui neutralise le manque de solidarité du régime de séparation des biens. Les conjoints apportent les acquisitions qu’ils ont réalisées pendant le mariage dans une ‘masse successorale’. Par exemple, on peut spécifier que cette masse à répartir, en cas de divorce, sera divisée à raison de 50-50 et qu’en cas de décès, la totalité reviendra au conjoint survivant. Pour autant que cette répartition totale ne concerne que les acquisitions réalisées durant le mariage et qu’il n’y ait pas d’enfants d’un autre mariage, cette répartition ne pourra être contestée."
Les conjoints mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple peuvent aussi s’organiser via ce qui s’appelle une clause d’accroissement. "Cette clause peut être insérée par les conjoints qui détiennent un portefeuille d’investissement ou des biens immobiliers en indivision", poursuit Vincent Hovine. Que se passe-t-il en cas de décès d’un des conjoints? La pleine propriété de sa part du portefeuille d’investissement ou d’immobilier revient automatiquement au conjoint survivant. "Vu que le conjoint survivant reçoit la pleine propriété sur base contractuelle, et non sur base d’un héritage, les enfants ne peuvent pas réclamer leur part réservataire. La condition, c’est que la clause d’accroissement ait été établie de manière équilibrée et que ce contrat aléatoire le soit à titre onéreux. Cela signifie que l’espérance de vie des deux conjoints doit être équivalente. Ils doivent avoir à peu près le même âge et être en bonne santé, et ce doit être éventuellement attesté par un certificat médical." Sinon, il est possible que la clause d’accroissement soit requalifiée en donation, ce qui permettrait aux enfants de leur mettre des bâtons dans les roues. De son côté, l’administration fiscale sera alors tentée de soumettre la clause d’accroissement aux droits de succession. "De telles clauses d’accroissement ‘survivent’ en principe à un éventuel divorce. C’est pourquoi, lors de la rédaction du document, il faut être prudent afin que, le cas échéant, on puisse y mettre fin", prévient Ann Maelfait
Existe-t-il d’autres manières de déshériter ses enfants?
Une première possibilité très simple consiste à dépenser tout son argent. Il n’y aura dans ce cas plus d’héritage, et vos enfants n’auront rien. Mais pour la plupart des gens, cette possibilité n’est pas une option.
"Ce qui est possible, c’est de vendre des biens mobiliers et immobiliers, comme par exemple un portefeuille d’investissement, en rente viagère", explique Vincent Hovine. "Le patrimoine est ainsi remplacé par des droits temporaires qui prennent fin lors du décès", confirme Renate Barbaix. Dans cette construction, les biens sont vendus à un tiers, qui, en échange, paie une rente périodique. Lors du décès du vendeur, l’acheteur reçoit la pleine propriété du bien et met fin aux paiements. "Il est essentiel que les rentes soient effectivement payées et soient comptabilisées correctement sur la base de l’espérance de vie du vendeur-rentier. Sinon, on court le risque de requalification en donation par les héritiers réservataires", fait remarquer Vincent Hovine. Par ailleurs, le fisc peut aussi faire "comme si" la vente n’avait pas eu lieu, et exiger que l’acheteur paie des droits de succession.
Quid de la solution consistant à déménager vers un pays commme les Etats-Unis ou la Grande Bretagne, où il n’existe aucune réserve pour les enfants? "Ce n’est envisageable que si le déménagement est effectif. Vous devez aller réellement habiter dans ce pays, mais même dans ce cas, vous ne serez pas à l’abri de surprises, estime Ann Maelfait. Certains pays se réfèrent, via le droit privé international, au pays de la nationalité ou du ‘domicile’ selon la définition anglo-saxonne, si bien que ce sera le droit successoral belge qui s’appliquera à l’étranger."
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