La vente de biens immobiliers par loterie gagne la France
par François Revilla
ISTRES, Bouches-du-Rhône (Reuters) - Roxanne Tornero, une serveuse de 23 ans, embrasse du regard sa villa de 110 m2 habitables entourée de 150 m2 de terrain, avec piscine, située à Istres (Bouches-du-Rhône), d'une valeur de 264.000 euros. Elle lui a coûté en tout et pour tout 40 euros.
Une agence immobilière du sud-est de la France propose depuis un an l'achat de biens immobiliers sous forme de loterie et entend développer rapidement ce type de vente, une première en France qui laisse les professionnels du marché sceptiques.
Ancien cadre supérieur dans l'immobilier, Léonard Simpatico, 51 ans, gérant de l'agence Simpatico Group installée à Istres (Bouches-du-Rhône), propose de faire gagner via une loterie en ligne les biens immobiliers, maisons ou appartements, que l'agence détient dans son portefeuille.
Le principe de la loterie est simple : l'agence achète au propriétaire le bien au prix estimé par un expert, ajoute les frais de notaire et ceux d'agence pour parvenir à la somme totale de mise en vente.
Cette somme est ensuite divisée en billets de tombola de 10 euros qui sont mis en vente en ligne sur le site Internet de l'agence. Chaque acheteur potentiel peut acquérir cinq tickets par personne et par mois maximum.
Une fois la somme désirée atteinte, un huissier effectue un tirage au sort qui détermine le nouveau propriétaire du bien.
Selon Léonard Simpatico, ce mode de vente qui a fait ses preuves aux Etats-Unis est une réponse possible à la crise immobilière.
VENTE PARTICIPATIVE
"Les biens se vendent de moins en moins facilement, les banques accordent de moins en moins de crédits. Il est quasiment impossible pour un jeune couple d'acheter. Il fallait trouver une solution alternative", explique-t-il.
"Tout le monde y trouve son compte : le vendeur qui n'a pas à discuter son prix et qui vend dans des délais très courts, et le gagnant qui devient propriétaire avec une mise de quelques dizaines d'euros", ajoute-il.
Léonard Simpatico estime que la vente immobilière par loterie va se développer très rapidement. Il va ouvrir une succursale de son agence à Montpellier cet été et espère en lancer trois autres en France d'ici la fin de l'année.
"Nous nous sommes heurtés au scepticisme au début, mais le potentiel du marché est énorme. D'ici deux ans, nous espérons vendre une maison chaque jour par ce système de loterie", prévoit-il.
Pour que cette loterie soit légale, Simpatico Group, qui n'est pas une société de jeu, a l'obligation de proposer un remboursement de sa mise à chaque perdant. Mais seuls 8% des joueurs ont pour l'heure utilisé cette possibilité.
"Les gens ont compris qu'il s'agissait d'une vente participative où il y a toujours un gagnant, ce message est bien passé", se félicite Léonard Simpatico.
Il reconnaît toutefois que son activité, lancée après une longue étude juridique, "pose une question à l'Etat et aux services fiscaux" et que le développement de la vente par loterie nécessitera sans doute un encadrement réglementaire ou législatif.
Roxanne Tornero, première gagnante de ce type de loterie en France et propriétaire depuis le 25 mai dernier, est ravie.
"Avec mon compagnon qui travaille dans la grande distribution, on aurait déjà eu du mal à acheter un petit appartement. C'est la crise et les banques ne prêtent plus, même quand on travaille", raconte la jeune femme qui a quitté son 35 m² où elle résidait.
" Là, j'ai la maison de mes rêves, et en plus je n'ai pas le boulet au pied qu'est un crédit de 30 ans", ajoute-t-elle.
LES PROFESSIONNELS DUBITATIFS
Simpatico Group propose actuellement cinq maisons ou appartements en loterie, dont une villa d'architecte à Marseille d'une valeur de 700.000 euros et dont plus de 25% des billets se sont déjà vendus.
"Il n'y a eu aucun problème et le principal intérêt pour moi est qu'il n'y a pas eu de visites d'acquéreurs potentiels. Tout a été réglé très vite", témoigne Noël Maulio, 63 ans, restaurateur et ancien propriétaire de la maison cédée en mai.
"C'est non seulement beaucoup plus facile de vendre, mais en plus je suis content que cette maison magnifique aille à quelqu'un qui n'aurait jamais pu se payer ce rêve", ajoute-t-il.
La vente par loterie laisse toutefois dubitatifs les professionnels locaux de l'immobilier qui décrivent un "marché atone", avec une chute des transactions de 20% et une baisse des prix de 5% en région Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA).
"Ce type de vente restera anecdotique et marginal", prévoit ainsi Jean-Luc Lieutaud, membre du bureau de l'Observatoire Immobilier de Provence.
"C'est sans doute bien pour le vendeur qui peut vendre à son prix sans négociation, mais c'est du quitte ou double pour l'acheteur qui n'a pas visité le bien. Le client risque d'avoir un cadeau empoisonné", ajoute-t-il.
"Le rôle de l'agent immobilier est surtout d'accompagner un vendeur ou un acheteur dans son projet", surenchérit Jean-Pierre Rouas, président de la Fnaim des Bouches-du-Rhône.
"Nous sommes mandatés pour vendre un bien au prix du marché et faire entrer le hasard en ligne de compte peut dénaturer notre relation avec les vendeurs ou les acheteurs. Je suis très sceptique", poursuit l'agent immobilier.
Pour le sociologue Jean Viard, directeur de recherche au Cevipof, l'arrivée de cette loterie immobilière démontre à la fois la passion des Français pour les jeux de hasard et l'impact de la crise.
"La société joue beaucoup, alors pourquoi pas pour des maisons ? Le désir des gens d'avoir une maison est immense, c'est la première protection en temps de crise, et ceux qui utilisent ce désir sont sûrs de gagner", estime Jean Viard.
"Mais cela a un côté crise de 1929, quand les gens devaient danser toute la nuit pour espérer obtenir un peu d'argent, comme dans le film 'On achève bien les chevaux'. Cette mise en scène de la crise pour faire des ventes me gêne un peu. On fait rêver les gens, mais les maisons s'achètent avec de l'argent et un bon emploi. 10.000 personnes rêvent, mais au final une seule emporte la maison", conclut-t-il.
Edité par Yves Clarisse
Un couple renonce à « vendre » sa maison dans une tombola en ligne
Deux Ardéchois voulaient solder au plus vite le crédit immobilier pour rejoindre leur fils hospitalisé. Ils renoncent à cause du risque juridique.
le 21/07/09 à 17h05
Il y a quelques jours, un couple d'Ardèche avait décidé d'organiser une tombola en ligne pour pouvoir vendre sa maison au plus vite, afin de se rapprocher sans attendre de son fils hospitalisé, victime d'un accident de la route fin mai. Les conjoints avaient créé le siteGagnernotremaison.com pour ouvrir une liste d'inscriptions.
Des tickets de 50 euros étaient proposés, permettant de tenter sa chance pour une« charmante maison de 225 m2, située au cœur d'un village du sud de l'Ardèche, à 15 min de Montélimar et 30 min de Valence ». Entre 6 000 et 8 000 de ces tickets devaient être vendus afin de solder le crédit de la maison, et celle-ci devait être attribuée par tirage au sort devant huissier. La médiatisation de l'affaire avait provoqué un afflux de visites et d'inscriptions.
Interdit par la loi
Aujourd'hui, le couple renonce à son projet, en raison des risques juridiques qu'une telle opération fait peser sur eux. En France, les biens immobiliers ne peuvent pas faire l'objet d'une loterie (1). Selon l'AFP, Une loi du 21 mai 1836, modifiée en 1924, prévoit des sanctions pénales allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement et des amendes.
« Je remercie tous les gens qui nous ont soutenus. Mais en France, malheureusement, c'est comme ça. On laisse les gens dans la merde », indique la mère du jeune homme hospitalisé sur son répondeur téléphonique, citée par l'AFP.
« Tous les chèques qui nous parviennent et parviendront seront réexpédiés dans des délais que nous espérons les plus brefs. Aucun de ces chèques ne sera encaissé car nous, nous sommes honnêtes », indique aujourd'hui le site du couple.
(1) Les loteries sont par ailleurs le monopole de l'Etat, des dérogations pouvant être accordées à des organisations caritatives, pour des gains limités, selon l'AFP.
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