mercredi 29 mai 2013

Dura ... sed lex ! in Belgium


09:24 - 29 mai 2013 par Petra De Rouck

Votre ex pourrait-il revenir habiter dans la maison?


  • Si vous êtes divorcé et que vous avez des enfants, restez vigilant tant qu’ils sont mineurs. Car en cas de décès, votre ex pourrait venir occuper votre habitation et encaisser les revenus de vos biens!



Même si elle paraît injuste, cette histoire est parfaitement conforme à la loi. Comment la femme peut-elle avoir le droit de retourner habiter dans la maison que son ex lui a rachetée à prix d’or? Les ex-partenaires ne peuvent plus hériter automatiquement l’un de l’autre après que le divorce a été prononcé. Il n’existe plus de droit à la succession pour des ex-conjoints. Si le ex peut occuper la maison, c’est dû au fait que les enfants sont mineurs. Selon les règles légales, ils sont les héritiers de leur père décédé. Ils reçoivent donc la totalité de la succession. Mais tant qu’ils sont mineurs, ils restent "incapables" sur le plan juridique; autrement dit, ils ne peuvent gérer eux-mêmes leur patrimoine. Jusqu’à leurs 18 ans, c’est l’autre parent, donc l’ex-partenaire, qui va exercer l’autorité parentale. Et c’est là que réside le danger.

L’autorité parentale, c’est d’abord le droit - mais aussi l’obligation - de gérer les biens des enfants: les conserver, en encaisser les revenus, mettre les immeubles en location au moins pour 9 ans… Le parent doit le faire pour maintenir le patrimoine des enfants en état et le faire fructifier. Il ne peut toutefois pas disposer de ce patrimoine à sa guise. En vertu d’une série de mécanismes légaux de protection, le juge de paix doit par exemple donner son accord pour l’achat, la vente ou l’hypothèque d’un immeuble. Lorsque l’enfant devient majeur, le parent devra rendre des comptes sur la manière dont il a géré les biens.

Outre la gestion, le parent a aussi la jouissance des biens: il peut puiser les "fruits" de ce que possèdent les enfants, aussi longtemps qu’ils sont mineurs. L’ex-partenaire perçoit dès lors tous les revenus et produits des biens des enfants, y compris de ce dont ils ont hérité. Cela signifie par exemple qu’il peut empocher les intérêts et les dividendes de l’argent et des placements. Si les enfants ont un immeuble, l’ex peut y habiter ou en encaisser les loyers. Cette jouissance vise à permettre au parent de remplir son devoir d’entretien et d’éducation. Lorsque l’autorité parentale prend fin, le parent ne doit en rien justifier de ce qu’il a fait de ces produits.

Que faire pour éviter que votre ex profite de l’usufruit ?

La loi prévoit quelques solutions.

Dans votre testament, retirez explicitement l’usufruit à votre "ex"

Que faire si vous voulez éviter cette jouissance par votre ex? 

La loi prévoit explicitement une solution. Vous pouvez retirer par testament au parent survivant la jouissance légale des biens dont vos enfants mineurs ont hérité. "Ce retrait de la jouissance parentale, mieux vaut le formuler de manière générale, de sorte que cela ne se limite pas à l’occupation de la maison", conseille Ann Maelfait, avocate chez Rivus. 

Qui va alors obtenir la jouissance suite à ce retrait? "Les produits reviennent alors aux enfants eux-mêmes."


Établissez une clause d’administration

"Même quand la jouissance parentale est retirée, les biens des enfants mineurs restent soumis à l’administration parentale. C’est donc toujours bien votre ex qui prend les décisions de gestion", précise Ann Maelfait. Dans la doctrine, il y a une discussion sur le fait de savoir si on peut aussi retirer l’administration parentale à un parent par testament et la confier à un tiers. C’est possible jusqu’à la majorité des enfants, ou même plus tard jusqu’à ce qu’ils aient 27 à 30 ans. À cet âge, les enfants sont en principe suffisamment posés pour pouvoir gérer leurs biens. Retarder davantage l’échéance ne serait pas compatible avec le droit successoral, car ils ne pourraient jamais disposer librement de leur succession. "La doctrine dominante accepte ce type d’administration. En pratique, je conseille le plus souvent d’exclure dans un testament la jouissance parentale et de combiner cela à une clause d’administration jusqu’à 27 à 30 ans", indique Ann Maelfait.

Assurez-vous que votre testament sera exécuté par une disposition alternative

L’exclusion de la jouissance parentale et de l’administration sont des conditions supplémentaires qui sont couplées au legs. Ce legs doit être accepté par le parent survivant, avec l’autorisation du juge de paix. Pour garantir le respect des conditions supplémentaires, on peut prévoir une disposition alternative dans le testament. "Vous indiquez que vos enfants - autrement dit: le parent survivant -, ont le choix entre accepter le legs avec toutes les conditions qui y sont liées, ou accepter une part moindre de la succession, à savoir uniquement la réserve de l’enfant, sans condition", suggère Ann Maelfait.
Exemple

Si vous avez deux enfants, vous indiquez qu’ils ont chacun droit à la moitié de la succession à la condition d’exclure la jouissance parentale et que ce patrimoine soit géré jusqu’à leurs 27 ans. Si les enfants - lisez: l’autre parent - refusent cette condition, ils peuvent choisir de ne recevoir que leur part réservataire, à savoir chacun un tiers libre de toute charge. "Grâce à cette alternative, vous poussez le parent survivant à accepter les conditions du testament. Dans la procédure d’autorisation, le juge de paix veillera toujours à privilégier au maximum les intérêts financiers des enfants mineurs. Et c’est évidemment la moitié de la succession, avec les conditions qui y sont liées", selon Ann Maelfait.
Adaptez les statuts de l’entreprise familiale

La jouissance est aussi un point à ne pas perdre de vue si vous avez une entreprise familiale. Les actions de cette entreprise tombent dans la succession. Ce sont les actionnaires qui décident de la nomination et de la démission du gérant. Ce sont aussi eux qui décident de distribuer ou non un dividende. S’il a l’administration parentale des actions dont les enfants ont hérité, l’ex aura leur droit de vote à l’assemblée générale. Il a ainsi son mot à dire dans l’entreprise familiale. "C’est pourquoi il peut être important de régler dans les statuts de l’entreprise familiale la succession de la gérance", avertit Ann Maelfait. "Ce n’est cependant pas possible dans une société anonyme, mais bien dans une SPRL."

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