Le moins cher survivra
15 aoÛt 2013
Sur le marché des produits de potassium, la concurrence va s’exacerber. A terme, seuls survivront les producteurs les moins chers.
Dans le secteur des engrais, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe. L’entreprise russe Uralkali, premier producteur mondial de potasse, a annoncé qu’elle cessait sa collaboration avec la société biélorusse Belaruskali. De la sorte, Uralkali met fin à son propre cartel, qui avec son homologue canadien Potash Corporation of Saskatchewan, numéro deux mondial, dominait le marché de la potasse. Grâce à un contrôle strict sur l’offre, les deux groupes maintenaient les prix à un niveau relativement élevé.
Mais les lignes bougent. Les intentions d’Uralkali sont claires : faire passer la production mondiale de 10,5 millions à 13 millions de tonnes l’an prochain. Le volume annuel total du marché de la potasse est de l’ordre de 55 millions de tonnes. Selon les Russes, le prix de ce minerai devrait baisser de 400 dollars par tonne aujourd’hui à 300 dollars, voire moins. L’objectif d’Uralkali est, d’une part, d’exporter plus de potasse vers la Chine (avec laquelle elle est reliée par chemin de fer, un moyen de transport meilleur marché que le bateau) et, d’autre part, de gagner des parts de marché sur des produits plus chers. Producteurs les moins chers, les Russes sont disposés à échanger les bénéfices pour les volumes, du moins pour un temps.
Les actions s’écrasent
L’annonce a donné le coup d’envoi d’une forte correction pour les actions du secteur des engrais. Qui dit baisse des prix dit aussi réduction des bénéfices. En deux jours, Uralkali a perdu le quart de sa valorisation boursière. PotashCorp et le groupe américain Mosaic, ainsi que les plus petits acteurs Israel Chemicals et SQM (Chili), ont subi des pertes équivalentes. Le grand perdant, et ce n’est pas par hasard, est aussi le producteur le plus cher : la société allemande K+S qui, en deux jours, a perdu le tiers de sa valeur. Chez K+S, on estime à 250-300 dollars le prix de production moyen de la tonne de potasse. Si le nouveau prix de la potasse s’établit à 300 dollars, K+S atteindra tout juste le break-even et encore, uniquement grâce à son activité dans le sel. Et si le prix de la potasse continue à baisser, le risque est grand de voir K+S balayé du marché. Avec une production annuelle de potasse de 3,25 millions de tonnes, l’entreprise allemande est un acteur relativement modeste sur ce marché, sans compter que, par rapport à la Russie ou au Canada, les coûts sont nettement supérieurs. Ces dernières années, K+S a investi des milliards d’euros dans le projet Legacy, une nouvelle unité de production dans la province canadienne du Saskatchewan, dans le but de réduire les frais de production. La mine, qui devrait produire deux millions de tonnes de potasse par an, ne sera opérationnelle qu’en 2017, ce qui fragilise particulièrement K+S dans un futur proche.
Selon nos calculs, après K+S, devraient suivre Mosaic (coût de production de 225 dollars par tonne), Agrium (215 dollars) et Israel Chemicals (200 dollars). Ces acteurs ont une marge plus grande que K+S, quoique relative. Personne ne sait d’ailleurs pendant combien de temps Uralkali compte inonder le marché ni jusqu’où il est prêt à laisser filer le prix de la potasse. Pour Uralkali, le coût de production n’est que de 140 dollars par tonne. La baisse des prix peut également redynamiser la demande. Ces dernières années, les négociations avec de grands consommateurs comme l’Inde ou la Chine ont souvent été assez ardues, en raison du prix trop élevé de la potasse.
L’action d’Uralkali aura des répercussions sur les marchés des nitrates et des phosphates. Historiquement, les prix de ces trois composants d’engrais s’orientent de la même manière. Cela pourrait être une mauvaise nouvelle de plus pour des groupes comme PotashCorp et Mosaic, qui produisent plusieurs types d’engrais. Par ailleurs, la potasse bon marché peut stimuler la demande de nitrates et de phosphates, car les usines ont besoin des trois éléments (potassium, azote et phosphore) pour s’étendre. L’effet net au final n’est pas encore clair aujourd’hui.
Suffisamment robuste
PotashCorp souffrira également de la baisse des prix, c’est une évidence. Reste que la société canadienne est en position de force par rapport à d’autres producteurs occidentaux. Avec un coût de production moyen de 150 dollars par tonne de potasse, elle n’est que 10 dollars au-delà du niveau d’Uralkali. En fait, les Russes cherchent à capter la demande croissante de Chine et à éjecter du marché quelques acteurs plus coûteux. Pour cela, Uralkali ne cherche pas à réduire son prix en deçà de ses propres coûts de production. L’entreprise a d’ailleurs été avertie par les agences de notation que son rating pourrait être en danger en cas de trop forte baisse.
L’an dernier, avec un prix moyen de la tonne de potasse à 400 dollars, PotashCorp a engrangé un bénéfice brut de 3,41 milliards de dollars, dont 58 % en potasse, 29 % en nitrates et 14 % en phosphates. Déduction faite de 400 millions de dollars en frais opérationnels et généraux, 114 millions de dollars d’intérêts et 826 millions de dollars d’impôts, le bénéfice net s’établissait à 2,1 milliards de dollars et le cash-flow opérationnel à 3,2 milliards de dollars.
Supposons que le prix de la potasse se replie à 300 dollars, comme Uralkali le prévoit. Comme évoqué plus haut, cette baisse peut affecter le prix des nitrates et des phosphates. Supposons également, dans un scénario négatif, que ces prix reculent de 25 %, eux aussi. Le bénéfice brut reculerait de 38 % à 2,11 milliards de dollars et le bénéfice net serait de 1,1 milliard de dollars. Le cash-flow opérationnel régresserait à 1,9 milliard de dollars, un niveau tout juste suffisant pour couvrir les investissements de remplacement (600 millions de dollars) et le dividende actuel (1,2 milliard de dollars). Dans ce scénario, les autres investissements ou le rachat d’actions propres devraient se faire via le financement de la dette. PotashCorp a récemment annoncé vouloir racheter 5 % de ses actions propres. Pour économiser les liquidités, il y a un risque de voir le dividende raboté ou le programme d’achat, supprimé.
Ces calculs ne tiennent pas compte de réactions du management de PotashCorp (par exemple, des réductions de coûts) ou d’un éventuel impact de la baisse des prix sur la demande de potasse (avec pour conséquence une hausse des volumes de vente). Suite à la disparition de concurrents plus chers, l’entreprise pourra, tout comme Uralkali, étendre ses parts de marché. Ces derniers jours, les analystes ont revu à la baisse leurs prévisions en matière de bénéfices de 15 % pour 2013 et de 25 % pour 2014 et 2015. C’est ainsi qu’aujourd’hui, PotashCorp est cotée à 12 fois le bénéfice attendu pour 2013 et également 12 fois celui de 2014. Comme pour les autres entreprises du secteur, l’action restera indubitablement très volatile dans les années à venir, mais le deuxième producteur meilleur marché qu’est PotashCorp survivra. Nous considérons l’action comme un achat spéculatif. Les investisseurs seraient bien inspirés de commencer par acquérir une première position modeste et de l’étendre progressivement à mesure que l’on saura avec précision jusqu’où Uralkali est prêt à baisser. Il serait illusoire d’attendre et d’espérer cueillir l’action en fond de courbe. On ne saura qu’après coup où se situait le plus bas.
MATHIAS NUTTIN
POTASH CORPORATION OF SASKATCHEWAN INC. (POT)
L’objectif d’Uralkali est clair: faire plonger le cours de la potasse afin de jouer les volumes plutôt que les prix. Crédit Photo : Christine Hart/PHOTOPQR/L'ALSACE
INFOGRAPHIE - L’un des acteurs majeurs de l’extraction de la potasse, minerai très utilisé dans la fabrication d’engrais, a perdu près de 40% de sa valeur. En cause, l’annonce surprise du russe Uralkali, premier producteur de potasse dans le mo
En quelques séances, l’allemand K + S, un des acteurs majeurs de l’extraction de la potasse, ce minerai très utilisé dans la fabrication d’engrais, a perdu près de 40% de sa valeur. Les nord-américains PotashCorp, Agrium et Mosaic ont également dévissé en Bourse ses derniers jours. En cause, l’annonce surprise du russe Uralkali, premier producteur de potasse dans le monde avec 20% de parts de marché, fin juillet de commercialiser sa production seul, et non plus via BPC, une société formée avec le biélorusse Belaruskali.
La distribution de la potasse était jusqu’à présent largement dominée par BPC d’un côté et Canpotex, qui réunit PotashCorp, Agrium et Mosaic, de l’autre. Ce duopole contrôlait 70% de la production mondiale, permettant à ses membres d’afficher de confortables marges. L’an dernier, le résultat net d’Uralkali représentait ainsi 40% de son chiffre d’affaires. C’est pourtant ce système lucratif que le groupe russe à décider de faire exploser.
L’objectif d’Uralkali est clair: faire plonger le cours de la potasse afin de jouer les volumes plutôt que les prix. Conséquence: le groupe russe va affaiblir ses concurrents. «La consolidation sera une étape logique quand les prix baisseront à des niveaux correspondant aux coûts marginaux de production», a déclaré Vladislav Baumgertner, directeur général d’Uralkali au journal russe Vedomosti. Le dirigeant russe évalue ce niveau à 250 dollars la tonne, quand le cours se situait à 400 dollars la tonne avant le déclenchement des hostilités.
Projet majeur de BHP Billiton
Les dirigeants russes affichent également leur volonté de rendre moins rentables les nouveaux projets de développement. «La plupart des propriétaires des nouveaux projets devront revoir leur plan de développement et pourraient être forcés de les fermer», a clairement indiqué Vladislav Baumgertner. Dans la ligne de mire du patron russe: l’australien BHP Billiton. Le premier groupe minier mondial envisage d’investir 14 milliards de dollars pour créer la plus grande mine de potasse du monde, dans le Saskatchewan canadien.
Il s’agit toutefois d’une stratégie risquée également pour Uralkali. Le titre de la compagnie russe a été tout autant affecté que ses concurrents, perdant plus de 30% de sa valeur en quelques jours. De plus, la situation financière de la société sera fragilisée, selon l’agence de notation Moody’s. Toutefois, la volonté du groupe de faire croître sa production de 30 à 40%, à 14 millions de tonnes par an, devrait lui permettre de maintenir son niveau de liquidités. Ce que tous ses concurrents ne pourront pas faire si le cours de la potasse approche des 250 dollars la tonne.
Les cours de la potasse plongent
Mise à jour le mardi 30 juillet 2013 à 18 h 44 HAE
Installations de PotashCorp. à Rocanville, en Saskatchewan (archives) Photo : PC/TROY FLEECE
De durs lendemains sont à craindre pour les producteurs canadiens de potasse, un minerai utilisé dans la fabrication de fertilisants.
Les cours de la potasse ont subi une forte baisse, mardi, sur le marché nord-américain, à la suite d'une annonce qui a pris l'industrie par surprise. L'annonce est venue des producteurs de potasse Uralkali et Belaruskali, respectivement de Russie et du Bélarus, qui ont décidé de mettre fin à leur partenariat dans une agence de mise en marché appelée BPC. Cette nouvelle laisse entrevoir une baisse marquée des prix de la potasse qui, selon les analystes, pourraient passer de 400 $ la tonne, qui est le prix actuel, à 300 $ la tonne.
L'agence de mise en marché européenne faisait en sorte d'établir les prix pour plus du tiers de l'approvisionnement mondial en potasse. Son démantèlement a pour effet de « mettre fin au monde de la potasse tel que nous le connaissions jusqu'ici », d'après l'analyste Joel Jackson de Capital Markets.
Mardi, sur les places boursières, le titre de PotashCorp (TSX :POT) a plongé : à la clôture, il s'établissait à 32,66 $ en baisse de 16 % ou 6,24 $ par action. Le titre d'Agrium (TSX:AGU) quant à lui a terminé la journée à 89,15 $, en baisse de 4,69 $, ou 5 %. Le dollar canadien a fléchi de 0,40 ¢ pour terminer à 97,07 $.
La semaine dernière, PotashCorp annonçait à ses actionnaires un bénéfice moins élevé que prévu au deuxième trimestre.
PotashCorp de même que les minières Mosaic et Agrium sont les trois plus grands producteurs de potasse au Canada. Les trois entreprises font partie d'une agence de mise en marché appelée Canpotex. À noter que Mosaic est une société américaine avec d'importantes activités en Saskatchewan.
Le Canada détient l'une des plus grandes réserves mondiales de potasse et en exporte à d'autres pays, dont les États-Unis, la Chine et l'Inde.
Fin 2012, Canpotex avait annoncé la vente d'un million de tonnes de potasse à la Chine à un prix réduit.
À la lumière de l'annonce faite par les producteurs de Russie et du Bélarus, les investisseurs et des analystes tels que ceux de CIBC World Markets appréhendent qu'il y aura des surplus de potasse sur le marché mondial.
L'attente de la Saskatchewan
La Saskatchewan a par ailleurs déclaré qu'il était encore trop tôt pour dire si le bouleversement du marché de la potasse mardi aura un effet durable sur ses recettes.
Une porte-parole du gouvernement, Kathy Young, a précisé que tout changement sera reflété lors du résultat trimestriel budgétaire prévu le mois prochain et que la province suit de près l'évolution du marché.
Le Parti saskatchewanais entendait se servir des revenus de la potasse pour maintenir son léger surplus. Il espérait aussi voir l'industrie de la potasse continuer son rôle d'employeur important.
Potasse
Ce nom désigne des substances contenant du potassium et des composés du potassium, dont le plus commun est le chlorure de potassium (KCl). Dans l'écorce terrestre, le potassium est le septième élément en termes d'abondance. C'est également le troisième fertilisant des récoltes en importance, après l'azote et le phosphate. Les ENGRAIS comptent pour environ 95 % de la consommation mondiale de potasse, et de petites quantités servent à la fabrication de savons, de verre, de céramique, de colorants chimiques, de médicaments, de caoutchouc synthétique, d'agents de déglaçage, d'adoucisseurs d'eau et d'explosifs. Le sulfate de potassium (K2SO4) et le nitrate de potassium (KNO3) sont les principaux autres engrais potassiques. Le terme potasse (de l'anglais pot ash, cendre de pot) vient de l'habitude qu'avaient les pionniers d'extraire un engrais au potassium (K2CO3) en lessivant des cendres de bois et en faisant évaporer la solution dans de grands pots de fer.
URALKALI GDR (URKA)
24,35 USD
-0,33% | -0,08
16/08/2013 16:40
-0,33% | -0,08
16/08/2013 16:40
30,39 USD
-2,66% | -0,83
16/08/2013 22:01
K&S (SDF)
18,498 EUR
+1,81% | +0,33
16/08/2013 19:56
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