Où placer une épargne de 50.000 euros?
Dépités et affectés par les baisses de taux successives, les épargnants sont (désespérément) en quête de rendements plus attractifs. Mais en existe-t-il? Trois banques ont fait une proposition en s’employant à respecter l’équilibre entre sécurité et risque.
On peut s’étonner des montants records actuellement parqués sur les comptes d’épargne, mais pour de nombreux épargnants, il n’existe tout simplement pas d’alternative, car ils ne savent que faire de leurs économies. La rémunération d’un compte d’épargne ne dépasse plus 2,2%, et encore! Pour les obtenir, il faut se tourner vers les banques de "niche". Les rendements des autres produits à taux fixe, comme les bons de caisse, les comptes à terme et les assurances-épargne (Branche 21), sont tout aussi misérables. Les épargnants belges se retrouvent donc avec de gros montants sur leurs comptes d’épargne, en attendant des jours meilleurs.
Peu à peu, certains épargnants acceptent toutefois de prendre davantage de risques pour améliorer le rendement de leurs économies. La forte hausse du Bel20 depuis le début de l’année (+ 14%) a de quoi faire des jaloux. Au premier semestre, la plupart des assureurs ont d’ailleurs constaté une baisse des ventes des produits d’assurance-épar-gne, tandis que les ventes d’assurances-investissements (Branche 23) atteignaient des sommets. Contrairement à un compte d’épargne classique, ces produits ne garantissent aucun rendement. Tout dépend du portefeuille d’investissements sous-jacent. De leur côté, les banques ont constaté un regain d’intérêt pour les fonds d’investissement. "Le rendement potentiel est pourtant le dernier facteur dont il faut tenir compte en matière d’épargne. Il n’est pas du tout pertinent. Les épargnants basent trop souvent leurs décisions sur les informations qui font la une des journaux, plutôt que sur leurs propres attentes, leurs objectifs et de leur profil de risque", explique Luc Aben, économiste en chef de la banque privée néerlandaise Van Lanschot.
Nous avons donc demandé à trois banques de composer un portefeuille pour un épargnant fictif — que nous appellerons Jean — au profil très précis (voir encadré). Indépendamment du capital dont il dispose, son profil est semblable à celui de nombreux épargnants. Ils pourront donc facilement s’identifier à son cas. Jean a suffisamment d’argent sur un compte d’épargne pour faire face à des dépenses imprévues. Il a aussi un capital qu’il peut faire fructifier pendant au moins dix ans, et pour lequel il souhaiterait obtenir un rendement supérieur à celui de son compte d’épargne. Jean n’est pas totalement allergique au risque, mais il privilégie malgré tout un portefeuille où sécurité et risque sont équilibrés. Et son profil laisse peu de place à la fantaisie, Jean sait aussi que "le portefeuille standard", ça n’existe pas. Chaque banque a sa propre vision et peut donc proposer un portefeuille très différent de celui de la concurrence.
Portefeuille 1: Aucun produit d’épargne
Le portefeuille composé par Belfius ne compte aucun produit d’épargne traditionnel. La banque a réparti les 50.000 euros de Jean entre actions (42%) et obligations (58%). Elle s’est toutefois réservé une porte de sortie au cas où Jean voudrait absolument conserver un produit d’épargne. Les conseillers de Belfius investissent 40% du portefeuille obligataire en produits maison. "Les bons de caisse et les assurances-épargne offrent une bonne alternative. L’inconvénient d’une assurance-épar-gne, c’est qu’il faut la conserver pendant au moins huit ans pour qu’elle soit intéressante: si vous en sortez avant cette échéance, vous devez payer des frais de sortie et le précompte mobilier sur les revenus d’intérêt. Les bons de caisse sont pour le moment moins faciles à négocier et le rendement actuel est un peu plus faible", explique Alex Clinckx, stratège en investissements chez Belfius. A titre d’exemple, le coupon d’une obligation Belfius à six ans est de 2,3%, et de 3% pour les obligations à dix ans. Après déduc-tion des 25% de précompte mobilier, il ne reste que 1,7% et 2,25%. Le reste du portefeuille obligataire est investi en fonds d’obligations à haut rendement (10%) et en obligations de pays émergents (8%).
Pour améliorer le rendement, les conseillers de Belfius ont réparti le reste du portefeuille dans des fonds d’actions. "Notre préférence va à des actions européennes. La stratégie monétaire de la zone euro devait maintenir les taux bas, ce qui soutient le marché des actions. De plus, les valorisations des actions européennes sont encore intéressantes", estime Alex Clinckx. Luc Aben voit aussi d’un bon œil la présence d’actions dans un portefeuille diversifié."Pour la première fois depuis la crise, l’économie de la zone euro montre des si-gnes de vie, et les résultats des entreprises sont assez encourageants. De plus, la valorisation des actions reste très acceptable", conclut l’économiste.
Portefeuille 2: Les actions en vedette
Rabobank joue à fond la carte des actions puisqu’elles représentent 52,5% du portefeuille de Jean. Ces 26.250 euros sont répartis sur quatre fonds d’actions, centrés principalement sur les marchés développés (37,4%) et pour le reste, sur les émergents (10,9%). "Tout le monde s’attend à ce que les taux à long terme commencent à remonter. Nous estimons donc que les obligations ne sont pas sans risque et on constate un regain d’intérêt pour les actions. Un horizon d’investissement de dix ans est suffisamment long pour investir en actions. A long terme, on peut tabler sur des rendements plus élevés", explique Stéphane Vermeiren, administrateur délégué de Rabobank.be.
Plus du tiers du portefeuille de Jean est investi dans trois fonds obligataires (centrés sur les obligations européennes, américaines et mondiales) et la banque internet conserve 12,5% du portefeuille liquide, sur un compte d’épargne.
C’est le seul produit d’épargne préconisé par la banque. "Les comptes à terme et les assurances-épargne ne sont pas recommandés dans un climat de taux faibles. Ce n’est pas le bon moment pour bloquer son capital pendant dix ans dans des produits à faible rendement. Les produits d’investissement sont une meilleure alternative", estime Vermeiren.
Luc Aben émet quelques réserves. "Dans un portefeuille d’investissement, l’argent placé sur un compte d’épargne est de l’argent mort. De plus, il serait préférable de réduire de 10% la part des actions, et d’investir davantage en obligations. Cela me semble plus équilibré en termes de risque et derendement", estime l’économiste.
Portefeuille 3: Priorité à la sécurité
La Deutsche Bank n’accorde pas d’intérêt au compte d’épargne: les taux sont trop faibles, et Jean a suffisamment de liquidités pour faire face à des dépenses imprévues. 30% du portefeuille sont malgré tout investis dans une assurance-épargne afin de garantir un certain rendement. "Nous avons en outre opté pour la sécurité avec deux produits structurés: un dont le rendement dépend des obligations souveraines italiennes, et un autre qui est lié à un fonds mixte investi en actions et en obligations. Le capital est garanti, et l’épargnant peut également espérer une hausse du rendement", explique Wim D’Haese, spécialiste en investissements à la Deutsche Bank.
Deutsche Bank investit encore 30% du portefeuille dans un fonds mixte. C’est donc la seule banque à ne pas reprendre des fonds d’actions dans le portefeuille de Jean. "Nous sommes certainement positifs envers les actions, et nous y investissons via le produit structuré et le fonds mixte. Avec un épargnant qui accorde autant d’importance à la sécurité, vous ne pouvez pas augmenter cette proportion", estime Wim D’Haese.
Dans ce cas aussi, Aben a aussi quelques remarques à faire. "Il n’y a pas de mal à investir dans des produits structurés, certainement pas pour des investisseurs plutôt défensifs ou qui ont peu d’expérience avec les marchés financiers. Mais 40% du portefeuille, cela me semble beaucoup, surtout avec un horizon d’investissement de dix ans. C’est suffisamment long pour arriver à garder le contrôle sur le risque et le rendement avec un portefeuille bien diversifié et géré activement. Je limiterais la durée de ces produits à cinq ans car il y a un prix à payer pour la sécurité qu’ils offrent", estime l’économiste. Il suggère en outre d’augmenter la proportion d’actions et se pose des questions quant à l’assurance-épargne. "Ce n’est pas un produit liquide. Or, il est crucial de pouvoir rapidement changer la répartition entre les différents actifs d’un portefeuille", conclut-il.
Prendre son temps
Même si c’est rassurant de trouver enfin quelques alternatives pour faire fructifier votre épargne, ce n’est pas une bonne idée d’investir tout le capital disponible en une fois. "Il est préférable de prendre plusieurs mois, voire un an, pour constituer votre portefeuille, conseille Luc Aben. Si vous entrez dans un fonds d’investissement par étapes, vous achetez des parts lorsqu’elles sont un peu plus chères, mais aussi lorsque le cours baisse. Au final, vous aurez plus de parts pour la même somme."
Un portefeuille standard, cela n’existe tout simplement pas. La composition d’un portefeuille dépend du profil de l’épargnant et chaque banque a aussi sa propre vision. Au final, ce sera toujours à l’investisseur de décider quel portefeuille lui convient le mieux. Ensuite, s’il peut être tentant de prendre des risques sur la base d’un rendement potentiel, c’est un mauvais point de départ. Même avec les taux anémiques que nous connaissons actuellement, les produits d’épargne traditionnels restent — hélas! — la seule option pour ceux qui ne peuvent se passer d’une partie de leur épargne.
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