IP/11/509
Bruxelles, le 29 avril 2011
Ententes: la Commission ouvre deux enquêtes sur le marché des CDS
La Commission européenne a ouvert deux procédures antitrust relatives au marché des contrats d'échange sur risque de crédit (communément appelés "CDS"). Ces contrats sont des instruments financiers visant à protéger tout investisseur contre le défaut de paiement de l'entreprise ou de l'État dans lesquels il a placé sa confiance. Ils sont également utilisés à des fins de spéculation. Dans le cadre de la première enquête, la Commission examinera si 16 banques d'investissement et Markit, principal fournisseur d'informations financières sur le marché des CDS, se sont entendus et/ou détiennent une position dominante et en abusent pour contrôler ces informations. Si ce comportement est avéré, il constituerait une infraction aux règles de l'UE en matière d'ententes. Dans le deuxième cas, la Commission a ouvert une procédure contre neuf banques et ICE Clear Europe, principale chambre de compensation des contrats d'échange sur risque de crédit. Dans le cadre de cette enquête, la Commission vérifiera notamment si les avantages tarifaires accordés par ICE aux neuf banques concernées ont pour effet de leur imposer un système au détriment des concurrents.
M. Joaquín Almunia, vice-président et membre de la Commission chargé de la concurrence, s'est exprimé en ces termes: «les CDS sont utiles pour les marchés financiers et l'économie. Des faits récents ont toutefois montré que les opérations d'échange concernant cette catégorie d'actifs présentent certaines insuffisances, qui ne peuvent être résolues par la seule régulation. L'ouverture de ces deux nouvelles enquêtes sera donc l'occasion d'améliorer la transparence et l'équité de ce marché. La première procédure portera sur l'accès privilégié de Markit, prestataire de services d'informations, aux données relatives aux opérations concernant les CDS. La deuxième enquête aura pour but de vérifier si ICE Clear, chambre de compensation de ces contrats, accorde un traitement préférentiel à certains établissements bancaires bien implantés sur ce marché qui, à leur tour, encouragent l'utilisation de cette structure au détriment d'autres. Le manque de transparence sur les marchés peut donner lieu à des comportements abusifs et faciliter la violation des règles de concurrence. La Commission doit donc réagir en conséquence. J'espère que notre enquête permettra d'améliorer le fonctionnement des marchés financiers, contribuant ainsi à une reprise plus durable de l'économie.»
Informations sur le marché CDS
La première enquête portera essentiellement sur les informations financières nécessaires pour négocier des CDS. La Commission dispose de renseignements selon lesquels 16 banques négociant ces contrats communiquent la majeure partie de leurs tarifs, de leurs indices et diverses données journalières essentielles uniquement à Markit, principal fournisseur d'informations financières sur le marché concerné. Cette situation pourrait résulter d'une entente entre ces différents acteurs ou de l'abus d'une éventuelle position dominante collective et avoir pour effet d'empêcher d'autres prestataires de services d'informations d'avoir accès à ces données de base très utiles. Si ce comportement était avéré, il serait contraire aux règles de l'UE en matière d'ententes et d'abus de position dominante (articles 101 et 102 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne – TFUE). Les 16 banques qui négocient des contrats d'échange sur risque de crédit sont les suivantes: JP Morgan, Bank of America Merrill Lynch, Barclays, BNP Paribas, Citigroup, Commerzbank, Crédit Suisse First Boston, Deutsche Bank, Goldman Sachs, HSBC, Morgan Stanley, Royal Bank of Scotland, UBS, Wells Fargo Bank/Wachovia, Crédit Agricole et Société Générale.
L'enquête portera également sur le comportement de Markit, une entreprise britannique créée à l'origine pour améliorer la transparence du marché des CDS. La Commission craint maintenant que les accords de licence et de distribution de Markit contiennent des clauses abusives, qui empêcherait la concurrence de se développer sur le marché de la fourniture d'informations relatives aux contrats en question.
Compensation (règlement/livraison) des contrats d'échange sur risque de crédit
Dans le cadre de la deuxième enquête, la Commission s'intéresse à une série d'accords passés entre ICE Clear Europe et neuf négociants de CDS parmi les seize susmentionnés (Bank of America Corporation, Barclays Bank plc, Citigroup Inc, Crédit Suisse Group AG, Deutsche Bank AG, Goldman Sachs Group, Inc., JP Morgan Chase & Co, Morgan Stanley et UBS AG). Ces accords ont été conclus lors de la vente, par les négociants, de l'entreprise The Clearing Corporation à ICE. Ils contiennent un certain nombre de dispositions (tarification préférentielle et participation aux bénéfices) qui pourraient inciter les banques à faire appel uniquement à ICE comme chambre de compensation. Dans ces conditions, les autres chambres de compensation pourraient avoir des difficultés à se faire une place sur le marché et les autres acteurs dans ce domaine n'auraient pas de réel choix quant à la compensation de leurs contrats. Si cette situation était avérée, il s'agirait d'une infraction à l'article 101 du TFUE.
La Commission vérifiera également si la structure des commissions mise en place par ICE confère un avantage indu aux neuf banques concernées et constitue une discrimination à l'encontre des autres négociants de contrats d'échange sur risque de crédit. Cela pourrait constituer, de la part d'ICE, un abus de position dominante contraire à l'article 102.
Le marché des CDS
Les CDS sont des produits financiers qui font l'objet de transactions entre des établissements financiers et des investisseurs. Ces contrats dérivés ont été créés à l'origine pour se prémunir contre le risque de défaut de paiement. Aujourd'hui, ils sont également utilisés à des fins de spéculation. Les informations relatives à ces contrats permettent aux acteurs du marché de déterminer la valeur de leurs portefeuilles d'investissement et d'élaborer des stratégies dans ce domaine. Les prestataires de services d'informations ont besoin d'avoir accès à un certain volume d'opérations et de données afférentes à la valeur des CDS pour pouvoir créer et vendre des produits et services offrant des informations agrégées sur ce type de contrats.
La récente crise financière a mis en lumière le manque de transparence des opérations concernant les produits dérivés et les instruments financiers négociés de gré à gré. Compte tenu de l'importance des marchés financiers pour l'économie réelle, la Commission s'efforce d'améliorer la régulation en matière de CDS ainsi que d'autres produits dérivés (voir IP/10/1125 et IP/10/1126). Les instruments dont la Commission dispose pour faire respecter les règles de la concurrence sont complémentaires de ces mesures de régulation et visent conjointement à garantir un fonctionnement sûr, satisfaisant et efficace des marchés financiers.
Contexte des enquêtes en matière d'ententes et d'abus de position dominante
Les articles 101 et 102 du TFUE interdisent les accords anticoncurrentiels et les abus de position dominante. La mise en œuvre de ces dispositions est régie par le règlement de l'UE sur les ententes et les abus de position dominante (règlement n° 1/2003 du Conseil). Ces règles peuvent également être appliquées par les autorités nationales de concurrence. L'ouverture de ces procédures ne signifie pas que la Commission dispose de preuves concluantes attestant d'infractions aux règles de la concurrence. Ce faisant, la Commission dessaisit ces dernières de leur compétence pour appliquer ces règles. Les juridictions nationales doivent en outre s'abstenir de prendre toute décision qui serait incompatible avec une décision adoptée par la Commission.
La Commission a informé les parties et les autorités de concurrence des États membres de l'ouverture des procédures en l’espèce.
Les enquêtes relatives à des comportements anticoncurrentiels ne sont soumises à aucun délai légal. Leur durée est fonction de plusieurs éléments de fond et de procédure.
Credit default swap
Les couvertures de défaillance1 ou dérivés sur événement de crédit2 ou permutation de l'impayé3 encore répandues sous leur nom et abréviation anglais Credit default swaps (CDS) sont des contrats de protection financière entre acheteurs et vendeurs qui furent créés par Blythe Masters en 1994. L'acheteur de protection verse une prime4 ex ante annuelle calculée sur le montant notionnel de l'actif (souvent dit de référence ou sous-jacent), au vendeur de protection qui promet de compenser ex post les pertes de l'actif de référence en cas d'événement de crédit précisé dans le contrat. C'est donc, sur le plan des flux financiers, comme un contrat d'assurance.
Il s'agit d'une transaction non-financée : sans obligation de mettre de côté des fonds pour garantir la transaction, le vendeur de protection reçoit des primes périodiques et augmente ses avoirs sans nul investissement en capital si aucun événement de crédit n'a lieu jusqu'à maturité du contrat. Dans le cas contraire, événement plus ou moins probable mais très coûteux, il est contraint de faire un paiement contingent, donc de fournir des fonds ex post. Il s'agit donc d'une exposition hors-bilan.
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