Niel : la communication qui tue, en 10 leçons
Créé le 12-01-2012 à 15h24 - Mis à jour à 16h54 6 réactions
DECRYPTAGE le fondateur de Free s'est mué en acteur hors pair pour s'imposer comme le robin des bois des Telecom. Challenges vous dévoile ses petits secrets qui font mouche.
Xavier Niel, un grand acteur ? Ce timide, secret et jaloux de sa vie privée – c’est en tout cas comme ça qu’il se perçoit –, fait preuve d’une maîtrise impressionnante de l’art de la communication. Depuis le lancement de son offre mobile, il a recours à toute une palette de techniques. Leur efficacité tient sans nul doute au fait que le fondateur de Free croit réellement à l’histoire qu’il raconte. Sans une bonne dose de sincérité, il n’y a pas de grand acteur.
1. Les expressions choc
Le forfait RSA à 10 euros ? "Nous appelons ça le forfait racket super arnaque". Le téléphone vendu avec le forfait ? C’est la recette "couscous boulettes" : on mélange tout et on ne sait plus combien ça coûte. Ces formules sont répétées à longueur d’interviews depuis le show du 10 janvier. Loin d’être des inventions spontanées de Xavier Niel, ces expressions choc ont été travaillées par l’équipe du fondateur de Free.
Souvent nées lors de multiples échanges de mails entre les éminences d’Iliad, elles ont été testées et validées lors de régulières réunions dans la salle de réunion du 6ème étage du siège. A chaque fois, ces petites phrases destinées à brocarder les concurrents font mouche.
2. Ne jamais contredire un journaliste
Le plus frappant lors des interviews télévisées de Xavier Niel, c’est qu’il n’attaque jamais le journaliste frontalement. L’homme connaît les médias et sait la susceptibilité des interviewers. La plupart des patrons ou des hommes politiques adorent pointer du doigt l’ignorance des journalistes, leur connaissance approximative d’un sujet. L’inventeur de la Freebox ne fait jamais cela. Il ne reprend pas Jean-Jacques Bourdin qui le désigne PDG de Free : officiellement pourtant, il n’est que le directeur stratégique d’Iliad.
3. Jouer l’humilité
Plutôt que de se défausser ou de trouver des excuses, Xavier Niel préfère toujours admettre les erreurs de son groupe quitte à en rajouter. Sur Canal+, il n’hésite pas à parler de "catastrophe" quand on l’interroge sur le plantage des réservations de son site ou l’impossibilité de joindre un télé-conseiller. Sur RMC, avant même d’être mis en difficulté sur ce sujet, il battait sa coulpe en disant n’avoir pas « tenu sa promesse » car les abonnements n’avaient pas été souscrits en raison des dysfonctionnements techniques.
4. Créer le débat de société
Voilà la technique préférée de Michel-Edouard Leclerc. Quand le représentant des hypermarchés du même nom bat la campagne pour défendre sa stratégie, il le fait toujours au nom du pouvoir d’achat. Xavier Niel a la même habitude. Son coup de génie, au moment de la bataille pour obtenir la quatrième licence mobile, aura été d’en faire un sujet d’intérêt général.
Rebelotte à l’occasion du lancement de son offre : il se bat lui aussi pour le portefeuille des Français. Face aux flots des appels, il a eu cette formule : "on savait que les abonnés payaient trop cher leur abonnement, on ne pensait pas que c’était à ce point-là."
5. Se poser en victime
Indubitablement, l’icône des télécoms a eu à se défendre contre le lobbying des grands groupes installés qui ont tout tenté pour faire barrage à son arrivée dans le mobile. Il a même dû subir, en 2004, l’humiliation d’un reportage en ouverture du 20 heures TF1, appartenant au groupe Bouygues, lors de son incarcération pour détention de participations dans des peep shows.
La chaîne est toujours "bien tenue", a-t-il souligné quand on lui faisait remarquer que la Une n’avait pas diffusé de reportage sur son offre au 13 heures le même jour. Invité puis déprogrammé au Grand Journal de Canal+, le 10 janvier, il n’a pas manqué d’ironiser sur le sujet : "Ah vous voulez dire que ça appartient à Vivendi et que Vivendi est propriétaire de SFR ? Ecoutez, je n’y avais pas pensé une seule seconde. Non, ce serait un complot." L’argument prend toujours.
6. Jouer l’agressivité
Contrairement aux énarques, HEC ou universitaires qui dirigent ses concurrents, le fondateur de Free est un geek, un vrai. Et comme tous les technophiles, c’est un fan de jeu vidéo. "Vous êtes des pigeons », a-t-il martelé lors du show où il a dévoilé son offre mobile. S’adressant à tous ceux qui en ont « ras le bol de se faire arnaquer », il ne ménage pas ses coups contre Orange, SFR ou Bouygues Telecom qui ont bien du mal à répliquer, sans doute trop habitués à une communication policée et au politiquement correct. Il y a quelques semaines, Xavier Niel confiait préférer une bonne baston plutôt qu’un lancement mou mais fructueux. Les salariés de Free ont une façon d’évoquer ce combat : « beat'em all », un style de jeu de baston bien connu des vrais geeks.
7. Multiplier les clins d’oeil à la communauté de Free
Iliad et ses salariés constituent la deuxième famille de Xavier Niel. Ce dernier ne manque jamais une occasion de rappeler que le groupe est possédé à 70% par ses employés. Sans toutefois préciser que 62% lui appartiennent Toujours prêt à se démener pour un petit génie en difficulté, il récolte l’admiration de ses salariés. Massés au fond de la salle, lors de la grande conférence de présentation de Free mobile, les équipes d’Iliad ont ovationné chacune des annonces… qu’ils découvraient en même temps que le grand public. Xavier Niel a la gloire partageuse : il n’a pas manqué de remercier nominativement nombre d’entre eux et n’a pas non plus oublié d’accorder des rabais supplémentaires à la communauté des Freenautes, constituées de millions de possesseurs de Freebox.
8. Afficher une réactivité sans faille
Avec ses collaborateurs, avec les journalistes, avec les jeunes entrepreneurs en quête de conseils ou d’investisseurs, Xavier Niel échange des centaines de mails par jour. Il y répond à toute heure du jour et de la nuit, même en vacances. Cette vitesse de réaction a de quoi impressionner. Il ne sera pas dit qu’il a laissé une demande d’information en souffrance. Même s’il répond parfois en bottant en touche ou par une pirouette, tous ses interlocuteurs sont séduits par cette disponibilité.
9. Arborer un style « très web »
Le fait est commenté en permanence. Xavier Niel arbore le look de ses copains de l’internet, parmi lesquels Marc Simoncini, le fondateur de Meetic. Décontraction faite de jeans Gap et de chemise blanche, ce style est tout de même de plus en plus étudié. Le fondateur de Free a perdu une bonne dizaine de kilos ces derniers mois, notamment en se désaltérant uniquement de Coca light. "Nous avons un produit à lancer, et donc je trouvais important d’améliorer mon look pour avoir l’image la plus lisse possible", a-t-il expliqué à ce sujet au Nouvel Obs.
10. Ne pas oublier l’émotion
Ceux qui ont entendu sa voix serrée et ses trémolos en concluant son grand show de lancement pourront toujours s’interroger sur sa sincérité. Etait-ce le trac, l’épuisement une fois terminée cette présentation dont il devait rêver bien souvent la nuit depuis 2007 ou tout simplement le sentiment de contribuer à cet instant à l’histoire des télécoms ? Sans doute un peu tout cela.
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