Acheter une seconde résidence sans pénaliser vos enfants
Vous donnez de l’argent à vos enfants et ensuite vous achetez une seconde résidence ensemble. Aux yeux du fisc, c’est suspect. Mais chercher des alternatives permettant de réaliser cette opération sans alourdir la facture successorale pourrait se révéler encore plus risqué que procéder à un achat scindé. Remise en situation.
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Les Belges raffolent d’immobilier. Pour leur propre maison. Mais de plus en plus aussi pour une seconde résidence à titre de placement. L’épargne et les portefeuilles de placements sont convertis dans la brique qui a prouvé qu’elle garde sa valeur aussi en temps de crise.
Envisagez-vous aussi ce "switch patrimonial"? Avant de vous lancer, il est prudent de considérer le désavantage de posséder beaucoup d’immobilier par rapport à la gestion d’un (important) portefeuille de placements. Transférer un patrimoine immobilier à la génération suivante coûte cher. Bien plus cher qu’un patrimoine mobilier.
C’est pourquoi, jusqu’il y a peu, on donnait souvent aux parents qui avaient en vue une seconde résidence le conseil d’impliquer leurs enfants dès l’achat. Comment? En procédant à un achat "scindé" du bien (lire: achat scindé = économie fiscale). Si les enfants n’avaient pas les moyens ou les économies nécessaires pour acheter la nue-proriété, une solution toute simple avait été trouvée. Les parents commen- çaient par faire un don manuel aux enfants, évitant ainsi toute taxation de ce capital. Dans un deuxième temps, ils achetaient ensemble une résidence secondaire.
La technique isolée acceptée
Mais, depuis l’été, avocats et notaires sont nettement moins enclins à proposer cette combinaison de don suivi d’un achat scindé. Ce type de construction figure en effet sur la "liste noire" de ce que le fisc considère dorénavant comme des "abus fiscaux". La question qui se pose depuis lors est dès lors la suivante: existe-t-il des alternatives et lesquelles pour acheter une seconde résidence en évitant à ses enfants de devoir payer plus tard une lourde facture successorale?
Tout d’abord, il faut souligner que le fisc n’a pas de problème avec la technique isolée de l’achat scindé. "Si les enfants ont eux- mêmes des fonds qu’ils peuvent justifier, il n’y a aucun problème. Ils peuvent alors financer l’achat de la nue-propriété avec leur propre épargne", explique Nathalie Labeeuw, avocate chez Cazimir. "Ces fonds peuvent très bien provenir de donations antérieures, par exemple, un don fait quatre ans plus tôt qui n’a rien à voir avec cet achat."
C’est la combinaison d’une donation permettant le financement de l’achat de la nue-propriété qui déclenche des clignotants du côté du fisc. "La technique n’est possible que si vous pouvez invoquer de bons motifs autres que le souci d’un gain fiscal. Or, cette motivation sera quasi toujours présente", déclare Guillaume Deknudt du cabinet d’avocats Delboo-Deknudt.
Les alternatives
- Le prêt bancaire... ou des parents. "Il n’y a pas 100 alternatives à l’achat scindé, dit Nathalie Labeeuw. Si les enfants n’ont pas les fonds nécessaires, ils peuvent contracter un emprunt pour acheter la nue-propriété." Dans une banque ou, pourquoi pas, auprès de leurs parents. "Il va de soi que dans ce dernier cas, le fisc vérifiera soigneusement que ce prêt n’est pas simulé, ou si des intérêts sont prévus et sont réellement payés. Bref, qu’il s’agit bel et bien d’un prêt des parents aux enfants", souligne Ann Maelfait, du cabinet d’avocats Rivus.
- Le bail à vie. Les enfants achètent la seconde résidence en pleine propriété et concluent un bail à vie avec les parents. "Cela doit toujours se faire par acte notarié. Cela procure un cadre juridique plus sûr aux enfants comme aux parents", explique Ann Maelfait. "L’avantage d’un bail à vie est qu’il n’est pas résiliable. L’inconvénient, c’est que les parents doivent payer un loyer. Mais le paiement pourrait être suspendu jusqu’au décès des parents. Cela ferait alors naître une dette dans la succession, dette qui réduit la facture successorale pour les enfants", ajoute Nathalie Labeeuw. Si l’épargne des enfants n’est pas suffisante pour acheter la seconde résidence en la pleine propriété, les parents peuvent leur donner ces fonds. "Les parents peuvent aussi prêter cet argent à leurs enfants. Ceux-ci rembourseront alors leur dette à leurs parents grâce au loyer que les parents leur paient", suggère encore Labeeuw.
- L’achat en indivision. Les parents achètent 99% de la seconde résidence en pleine propriété et les enfants le pour cent qui reste. "L’inconvénient est que les enfants ont par là leur mot à dire sur l’immeuble. En outre, cela ne représentera une économie de droits de succession que si les enfants rachètent la part des parents avant le décès de ceux-ci. À noter qu’en Flandre, un décret vient juste de décider de relever le droit de partage de 1% à 2,5% pour une telle opération."
N’ayez pas peur, mais ne cachez rien
"Personne ne veut servir de cobaye", constate Nathalie Labeeuw de Cazimir qui a récemment eu deux dossiers où les parents ont décidé par prudence de ne pas acheter l’appartement à la mer avec les enfants.
"Depuis que le fisc a publié sa circulaire à la mi-juillet, avec des exemples de ce qu’on peut encore faire et de ce qu’on ne peut plus faire, le citoyen qui cherche conseil au hasard auprès d’un notaire, d’un banquier ou d’un expert comptable, s’entendra dire que cela pose de sérieux problèmes. Mais nous sommes quasi certains qu’il n’y a pas de problème avec un achat scindé précédé d’une dona-tion faite correctement. Notre message est clair: n’ayez pas peur. Manifestement, la circulaire se trompe en décrivant comme suspecte la pratique d’un achat scindé qui suit une donation." Les avocats Ann Maelfait et Anton Van Zantbeek du cabinet d’avocats Rivus sont tout à fait sûrs de leur fait. "Le texte légal est clair: seuls les avantages simulés sont visés. Par exemple dans le cas où ce sont soi-disant les parents qui achètent l’usufruit et les enfants la nue-propriété, alors qu’en réalité ce sont les parents qui paient la totalité du prix et que les enfants n’ont donc pas acheté la nue-propriété avec leurs propres deniers. Le législateur veut simplement combattre ces avantages cachés, pas ceux qui se font au grand jour. Nous sommes relativement sûrs qu’il n’y a pas de problème."
Les avocats de Rivus déconseillent dès lors de recourir à des techniques alternatives quand les parents choisissent un achat scindé. "Vous vous aventurez sur un terrain glissant. Les alternatives sont selon nous toujours boiteuses et comportent dès lors un vrai risque de problèmes. Vous faites en effet ce que vous n’aviez pas l’intention de faire. C’est très proche de la notion de simulation, où vous naviguez en eaux (fiscales) dangereuses. Car la simulation est une fraude."
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