Le crépuscule du capitalisme ?
Depuis l’explosion de la crise, de nombreux théoriciens s’interrogent sur son message subliminal. Tant d’angoisses sont révélées : cette crise est-elle le signe annonciateur d’une fin de cycle conjoncturel ou, au contraire, de la saturation d’un mode de pensée ? S’agit-il de l’aboutissement de la lutte des classes ou d’une friction superficielle ? De nouvelles utopies peuvent-elles être envisagées ou devons-nous nous résigner à l’immersion dans une économie marchande de plus en plus exigeante ? Est-ce l’aube ou le crépuscule d’une phase de nos civilisations ? Et puis, l’Etat surendetté est-il encore capable de jouer un rôle régulateur alors que les citoyens sont impitoyablement abandonnés à l’économie de marché.
De nombreux penseurs interpellent la financiarisation de nos communautés. Cette dernière est souvent décriée et opposée à une économie réelle, vertueuse et régulée par le travail. Mais cette distinction est une mystification. La financiarisation ne nous a pas été imposée. Nous avons choisi d’en être les bénéficiaires. Pire, nous avons été les coupables conscients de son détournement, en anticipant la consommation que permettait l’endettement collectif. C’est d’ailleurs ce qui explique que des États européens, telle la Belgique, ont accumulé un endettement global égal à près d’une année de PNB. Nous avons confisqué et mis en hypothèque une partie de la prospérité des générations suivantes.
Il faut aussi sortir de cette confusion dévastatrice entre croissance et redistribution. Cette dernière n’est possible que si la croissance est suffisante. Sans croissance, la redistribution est, au mieux, une hypothèque sur les générations futures. Il faut aussi, sans doute, accepter la réalité de l’entrée dans une économie de libre-échange. Cette dernière est infiniment plus instable que nos communautés industrielles d’après-guerre. L’économie de marché est confrontationnelle.
Désormais, la richesse et la croissance sont rationnées. Il faut composer avec cette réalité. Nous manquons tous de recul pour placer la crise dans une dimension historique, mais une chose est certaine : elle déplace les foyers de croissance.
Mais ce n’est pas tout. Après les crises, deux phénomènes s’entrecroisent. D’une part, elles ont tendance à creuser les inégalités. Mais, d’autre part, les États s’investissent du pouvoir de restructurer l’économie. Les crises suscitent donc des moments de tension sociale, crispés entre un libéralisme entrepreneur (et naturellement inégalitaire) et une socialisation redistributive (souvent excessivement égalitaire).
En résumé, il est trop tôt pour décanter intellectuellement la crise, mais le capitalisme n’est aucunement en phase terminale. Au contraire, il est en phase d’enfantement permanent, sans délivrance, comme un accouchement qui n’aboutit pas. D’ailleurs, le capitalisme constitue, par lui-même, un état inabouti et de déséquilibres permanents qui auto-entretiennent son propre mouvement.
Il faut désormais identifier les tendances avec discernement. L’économie et la morale ressortissent probablement à deux ordres différents. Il faudra concilier la nécessité d’une spontanéité économique combattive avec une correction des inégalités sociales. Le périmètre de l’Etat va se modifier. De providentiel, l’Etat devra fournir, avec incitation, une aide subsidiaire. Mais, plus fondamentalement, il faudra accepter que la crise impose une économie de marché plus exigeante.
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