A Amsterdam, les fleurs sont périssables....
Et si, en chantant Amsterdam et les fleurs périssables, Jacques Brel avait pressenti un développement financier d’envergure ? La Hollande est, en effet, le principal marché de fleurs aux monde. Chaque année, plus de 10 milliards de tiges coupées ont été vendues par l’intermédiaire de ces coopératives bataves. Ces fleurs viennent de pays lointains (Kenya, Israël, etc.) et sont, pour la plupart, réexportées le jour même.
Les Pays-Bas se sont donc spécialisés dans ce marché qui n’a rien d’anecdotique : la moyenne occidentale des dépenses annuelles par an et par habitant oscille autour de 30 euros, avec des marchés en croissance tels la Russie et la Pologne. Les variétés de fleurs évoluent aussi : les orchidées et callas s’imposent désormais parmi les freesias, roses, tulipes, œillets et autres chrysanthèmes.
Mais il y a une autre singularité à ces marchés de fleurs, dont beaucoup de banquiers d’affaires s’inspirent sans en connaître l’origine : les enchères à la hollandaise (en anglais, « dutch auctions »). Ce système fut inventé en 1870 pour répondre aux singularités du négoce de fleurs puisque ces dernières fanent jusqu’à perdre toute valeur marchande. Cette méthodologie, commune à de nombreuses halles de fruits, légumes et fromages, reflète le caractère éphémère du produit.
Ces enchères hollandaises sont inversées ou descendantes. Ce protocole nécessite un mot d’explication.
Dans un système d’enchères classiques, qualifiées de « montantes » ou anglaises, une mise de départ est fixée par un vendeur. Chaque acheteur propose une somme supérieure à la précédente, celle-ci devenant ainsi la nouvelle somme enregistrée. L'enchère se termine lorsqu’aucun acheteur ne veut augmenter sa proposition ; elle est alors adjugée au dernier agent enchérisseur. La stratégie dominante de l'acheteur est donc de proposer une somme la plus petite possible (mais supérieure à celle enregistrée) jusqu'à ce que la surenchère atteigne la valeur maximale qu'il peut offrir. Les enchères anglaises peuvent elles-mêmes se décliner selon différentes modalités de surenchères.
Dans le système d’enchères hollandaises ou inversées, c’est exactement l’inverse qui se passe. Le vendeur décide d'un prix maximal, supérieur aux sommes que peuvent proposer les acheteurs. Le prix est ensuite diminué progressivement, par paliers, jusqu'à ce qu'il atteigne une somme jugée acceptable par l'un des acheteurs qui remporte alors l'enchère. Sur le marché floricole hollandais, un cadran (désormais remplacé par une horloge électronique) part du prix le plus élevé et s’abaisse, par incréments d’un cent-euro, jusqu’à ce qu’un acheteur se manifeste et emporte le lot de fleurs. Sauf en cas d’excès d’offre, il y a peu de risques qu’un lot reste invendu, même à un prix modique. Comme toute enchère, une enchère hollandaise oblige un acheteur à définir le prix maximal auquel il est prêt à acquérir, mais son degré de liberté est réduit, puisqu’il perd la faculté d’acquérir moyennant une hausse de prix. Par contre, il ne risque pas d’être entraîné dans une hausse de prix
Le système des enchères hollandaises n’est pas confiné au monde horticole. Le site Internet « eBay » en a, par exemple, développé une variante. Ces enchères s’imposent aussi dans le secteur financier, et notamment lors des introductions en bourse. C’est l’entreprise Google qui a innové dans ce domaine, en 2004. Le principe de l’adjudication des actions Google exigeait que les investisseurs potentiels fassent des offres fermes pour un nombre d'actions donné et un prix fixé. Ensuite, les meilleures offres furent sélectionnées « en descendant » suivant la quantité d'actions disponibles. Le prix payé fut le cours indiqué par l’investisseur lors de la période d'enchère, et non pas une moyenne pondérée des différentes offres
Ceci étant, les enchères sont une mathématique complexe qui relève de la théorie des jeux, car il convient d’optimaliser l’efficacité de l’allocation. Différents chercheurs se sont intéressés à cette matière : John Nash, prix Nobel 1994 et immortalisé par le film « a beautiful mind », mais aussi William Vickrey, prix Nobel 1996.
Dans l’intéressant système de Vickrey (ou enchère au second prix), aucun acheteur n'a connaissance de la mise des autres protagonistes. C’est l’acheteur qui propose la somme la plus élevée qui remporte l'enchère, mais au prix de la seconde mise, c’est-à-dire celle se trouvant juste au-dessous de la mise gagnante. Le lot revient au plus offrant, mais celui-ci ne paie que le prix donné par le deuxième meilleur enchérisseur. Ce système force l'acheteur à donner ni une proposition supérieure à ce qu'il est capable d'offrir (au risque de ne pouvoir payer la somme de la deuxième enchère), ni une proposition inférieure au risque de se voir perdre l'enchère qu'il avait la possibilité de gagner. Ce système a été utilisé pour attribuer les licences de téléphonie au Royaume-Uni.
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