mercredi 8 septembre 2010

Les cracks en action : Une reprise en stick de hockey

Une reprise en stick de hockey

Oscar Bernal okOscar Bernal, économiste chez ING, et collaborateur régulier de notre blog "Les cracks en action" apporte son éclairage à propos du fameux 'double dip'.

A l’heure où l’on s’interroge de plus en plus sur le risque de voir la récession resurgir aux Etats-Unis (le fameux ‘double dip’ ou reprise en ‘W’), il semble opportun de réfléchir aux conséquences qu’un tel scénario aurait en Europe.

Au second trimestre, la croissance en Zone euro dépassait celle des Etats-Unis. Cette bonne performance a levé un certain vent d’optimisme concernant la vigueur de la reprise dans la Zone ainsi que sur sa résilience à la morosité ambiante. L’Europe ne devrait cependant pas échapper à un ralentissement au second semestre et la croissance est appelée à demeurer en deçà de son potentiel pendant encore plusieurs années. Trois éléments vont dans ce sens :

1 -Les chiffres de la croissance en Zone euro occultent d’importantes divergences. Si le cœur de la Zone euro (Allemagne, France et Benelux) semble bien se redresser, il n’en va pas de même des économies de la périphérie où la croissance demeure médiocre (Espagne, Portugal), voir reste carrément négative (Grèce). Cette reprise à deux vitesses constitue un double défi. D’une part, elle maintient les craintes liées à la crise de la dette et, d’autre part, elle fait de toute décision de politique monétaire à venir un véritable casse-tête.

2 - La situation en Chine et dans les autres pays émergents constitue une autre épine dans le pied de la Zone euro. Alors que ces pays ont grandement contribué à ranimer l’économie mondiale, ils frôlent aujourd’hui la surchauffe, ce qui pousse leurs autorités à se démener pour réussir un atterrissage en douceur. Or, même contrôlé, un ralentissement de l’activité dans les pays émergents aura des conséquences négatives en Europe. C’est le cas notamment de l’Allemagne dont le secteur industriel subit avec un délai estimé à un trimestre le ralentissement de l’industrie chinoise. Le graphique ci-dessous laisse ainsi entrevoir pour l’Allemagne un second semestre nettement moins favorable que le premier.

Bernal1

3 -Qu’on l’appelle austérité ou rigueur, la consolidation budgétaire est devenue le leitmotiv des décideurs européens, comme en témoigne le plan d’économies allemand visant à épargner 80 milliards d’euros d’ici 2014. Si les gouvernements ont laissé filer – à juste titre – le déficit et la dette pendant la crise, le temps est venu de mener un assainissement budgétaire afin de ne pas compromettre la stabilité de nos économies. Néanmoins, inévitablement, cet assainissement représentera un frein pour la croissance.

En presque vingt ans, l’Europe n’est jamais parvenue à véritablement se distancier du cycle américain et même si l’ampleur des variations du PIB peut différer entre Etats-Unis et Europe, le ‘découplage’ entre ces deux régions reste un mirage. A l’heure actuelle, le retour de la récession semble peu probable en Zone euro. Toutefois, on peut légitimement se demander si une reprise en ‘stick de hockey’, c’est-à-dire une longue période de croissance amorphe suivant une chute brutale vaut véritablement mieux qu’une brève retombée en récession suivie par un rebond énergique.

Bernal2

Oscar Bernal
Economiste ING
Maître de conférences aux FUNDP
Chercheur visiteur à l’ULB

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire