Évaluer l’endettement d’une entreprise
Lorsque vient le temps d‘évaluer un titre boursier, l’investisseur se laisse parfois aveugler par la prévisions de croissance sur le titre ou bien sur l‘évolution des bénéfices par actions des dernières années. ces caractéristiques sont certes très importantes mais leur valeur peut ne pencher que faiblement dans la balance si une condition fondamentale de l’investissement boursier n’est pas respectée. Il s’agît ici de l’endettement! Malgré l’importance de la performance financière d’une entreprise, c’est son niveau d’endettement, qui, plus souvent qu’autrement, nous permettra de bien évaluer une partie des risques rattachés à la société. Mais une question demeure: Comment évaluer l’endettement d’une société? À cela, j’y vois quelques méthodes…
1) Ratio Dette à long terme sur l’avoir des actionnaires
C’est le ratio le plus commun et le plus utilisé dans l’univers financier. Il s’agît simplement d’extraire la dette à long terme au bilan et de la diviser par l’equity (ou avoir des actionnaires). Généralement, on qualifiera une sociétée de bien financée si son endettement n’excède pas 50% de l’avoir de ses actionnaires.
Évidemment, il y a toujours quelques pièges dont il faut se méfier. Par exemple, certaines entreprises qui génèrent de la croissance principalement par des acquisitions présenteront un niveau d’actifs surévalués. En fait, lors d’une acquisition, l‘écart entre le prix payé par l’entreprise achetée ainsi que sa valeur comptable réelle est consignée dans la case du goodwill (ou écarts d’acquisitions). Dans les faits, cet écart est considéré comme un actif mais il faut être réaliste et soustraire ces écarts de l’avoir des actionnaires car en bout de ligne, le goodwill n’est en aucun cas un actif qui contribue à l’enrichissement des actionnaires. On dira d’ailleurs d’une entreprise dont le goodwill est trop élevé que son bilan est mal balancé.
2) Dette à long terme vs Profitabilité
Dans son livre, Bernard Mooney nous suggère de comparer la profitabilité de l’entreprise (ses profits totaux pour la dernière année) en fonction de son endettement à long terme. Ainsi, une société qui aura besoin de plus de 4 années de profitabilité pour éponger sa dette ne mérite pas notre considération.
À mon avis, c’est une règle qui, de façon générale s’avèrera exacte puisqu’elle vous poussera à n’acheter que des entreprises peu gourmandes en capital, bien capitalisées et très rentables (ROE et ROA élevés). Cependant, il faut savoir faire la part des choses car avec cette façon de faire, on pourrait se priver de certains titres exceptionnels. Par exemple, une société gigantesque qui aurait recours à un endettement assez fort mais dont la cote de crédit est exceptionnelle aura accès à un capital abondant et pourrait être tentée de recourrir à l’endettement afin d’utiliser l’effet de levier à son avantage.
3) Le coût moyen de la dette
Calculer le coût moyen de la dette détenue par une société vous permettra rapidement de juger si son endettement lui est avantageux ou non. Pour expliquer mon point, rien de mieux qu’un exemple tel que Colgate-Palmolive. En 2010, la société avait une dette à long terme de 2,8 milliards de dollars US pourtant, en 2010, selon ses rapports annuels, la société n’a payée que 59M$ en charges d’intérêts. C’est donc dire que Colgate n’a payé de 2,1% d’intérêts sur sa dette. C’est étonnament bas!
De façon générale et considérant les taux d’intérêts très bas actuellement, lorsque je vois un coût de la dette beaucoup plus élevé que 6% ou 7% je commence à me poser des questions. Évidemment, nul besoin de rappeler qu’il vous faudra comparer ce poucentage avec le ROE de la société afin de vous assurer que ce dernier soit plus élevé. Autrement, comment l’entreprise enrichirait-elle ses actionnaires?
4) Les agences de cotation
J’en ai fais mention rapidement dans le point No.2 soit que les sociétés se voient attirbuer des cotes par les agences de crédit telles que Moody’s, Standard’s And Poors et Dun and Bradstreet. Ces cotations sont relativement importantes car elles vous indiquent rapidement quelle est la capacité future d’endettement d’une entreprise. Une société qui détient une cote de AAA par rapport à une société qui en aura une de BB aura un avantage assuré lorsque viendra le temps de s’endetter pour générer du rendement aux actionnaires.
5) La gestion du capital
Enfin, l‘élément le plus important est sans aucun doute la façon dont l’entreprise gère le capital. Vous allez surement vous demander pourquoi je traite de gestion du capital dans un billet sur l’endettement? Et bien sachez que la gestion du capital vous donnera plusieurs indice sur la façon dont l’endettement de l’entreprise a évolué et évoluera dans l’avenir. Par exemple, une société qui verse un énorme dividende à ses actionnaires aura tendance à émettre de la dette ou du capital-actions pour se permettre sa grosse distribution. En comparant cette situation dans l‘état des flux de trésorerie avec l’endettement actuel de l’entreprise, vous serez en mesure de prévoir un moment assez précis auquel l’entreprise ne pourra plus se permettre de verser son dividende. Dans les faits, plus l’endettement augmente, moins la cote de crédit de l’entreprise est intéressante. Ensuite, moins la cote de crédit est intéressante, plus le coût de la dette augmentera et moins les bénéfices par actions augmenteront. Vous l’aurez compris, c’est un cercle vicieux qu’il faut chercher à éviter en tant qu’investisseur.
Pierre-Olivier Langevin
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