La nouvelle poussée de fièvre sur le front de la dette publique européenne a coupé les ailes au métal jaune qui semblait pourtant avoir à portée de main la barre symbolique des 1.500 USD. Le 9 novembre dernier, l’once d’or pointait en séance à un sommet de 1.424,6 USD après avoir enregistré cette année une hausse quasi ininterrompue de 27 %. Mais c’était sans compter le brusque rebond du dollar face à l’euro qui, plombé par les risques de défaut de la dette irlandaise, a lâché 5 % de sa valeur en l’espace de deux semaines. Résultat des courses, le métal jaune, dont les cours évoluent la plupart du temps dans un sens opposé à ceux du dollar, pointe actuellement à moins de 1.340 USD.
Mais ce revers de fortune risque fort de n’être qu’un contretemps dans la quête aux records du métal jaune. Si son rally (+425 %) est le plus long de l’histoire (il a débuté en avril 2001), cela ne tient pas au hasard mais à la conjonction de plusieurs facteurs dont l’un des plus importants, la vigueur de la demande asiatique, ne cesse de gagner en consistance.
Indiens et Chinois aux commandes
L’Inde et la Chine marquent de plus en plus de leur empreinte le marché de l’or. Les Indiens sont, ni plus ni moins, les plus grands "consommateurs" de métal fin, que ce soit ou non à des fins d’investissement (lire article en bas de page). Selon le World Gold Council, leurs importations d’or (624 tonnes à fin septembre) sont déjà plus élevées que pour l’ensemble de l’année passée (559 tonnes). Malgré la cherté grandissante du métal, la demande indienne a progressé de pas moins de 28 % entre les troisièmes trimestres 2009 et 2010. Un appétit croissant qui, selon les prévisions, pourrait se solder cette année par des importations records de près de 800 tonnes.
Plus grand producteur d’or, la Chine est également très avide du métal précieux mais pas encore suffisamment pour détrôner l’Inde. Les prévisionnistes qui tablent sur une demande chinoise de 600 tonnes en 2011 ne voient pas la Chine devenir premier consommateur d’or avant trois ou quatre ans. À moins que la Banque de Chine (BoC) ne vienne troubler le jeu en décidant d’accroître son exposition sur le marché. Ce qui n’est pas du tout exclu car on sait que les autorités monétaires chinoises sont désireuses de réduire leur dépendance au billet vert. Près de 70 % de ses réserves de change sont en dollar!
Dérégulation chinoise?
Sachant que l’or ne représente que 1,6 % des réserves de la BoC (1.054 tonnes), alors que la Réserve fédérale américaine en détient 8.133 tonnes, la banque dispose d’une réelle marge de manœuvre. Les spéculations relatives à une hausse graduelle de la détention d’or par la BoC vont d’ailleurs bon train. Les dernières en date, qui émanaient hier du "21st Century Business Herald", prennent toutefois une coloration différente par rapport aux précédentes dans la mesure où l’on a appris la semaine passée l’existence d’un plan selon lequel la Chine pourrait, en préambule à une dérégulation de ses marchés financiers, choisir le marché de l’or comme ballon d’essai.
La Chine, qui subit des pressions internationales très fortes pour, notamment, laisser sa devise flotter librement, pourrait décider de libéraliser son marché de l’or en guise de test grandeur nature. Jusqu’à présent la BoC s’est tenue à l’écart des marchés internationaux et s’est bornée à acheter de l’or sur son marché domestique. Mais cela devrait changer car, en août, la banque centrale a laissé entendre que les banques commerciales chinoises seraient bientôt autorisées à exporter et importer davantage d’or. Un tour de passe-passe qui ouvrira le marché local du métal jaune et permettra à la BoC d’y puiser plus sans risquer de perturber le marché international. La BoC est, en effet, un acteur beaucoup trop important: une sorte d’éléphant dans un magasin de porcelaine. Ses moindres faits et gestes sont épiés et peuvent rapidement avoir des effets disproportionnés sur le marché.
L’or ne risque donc pas de perdre son soutien chinois.
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