Les risques de changement de paradigme aux US ne sont (pas) à prendre à la légère
Tous les commentateurs voient de ce côté-ci de l'Atlantique midi à leur porte. A lire les dépêches qui tombent sur nos écrans, il semblerait que toute la planète boursière ne tourne aujourd'hui qu'autour de la zone euro et des risques de contagion de la crise irlandaise aux autres pays de l'Euroland.
J'ai du mal à croire que notre vieille Europe préoccupe à ce point les armées de traders installées à New York, Singapour ou même à Londres. Les menaces sur la dégradation de la note du Portugal et même de l'Espagne sont certes présentes dans l'esprit des investisseurs, mais si les futures sur le S&P500, l'indice des cinq cents plus importantes sociétés américaines cotées, ne s'étaient pas affichés en baisse dès le milieu de la matinée, la Bourse aurait été comme la plupart des grandes places de la zone euro prête à réserver au sauvetage de l'Irlande un bel accueil haussier.
Non, si les places européennes sont reparties à la baisse en ce début de semaine, c'est aussi à cause des interrogations des opérateurs sur l'avenir de la politique de relance mise en place par la Réserve Fédérale des Etats-Unis, le fameux « quantitative easy », qui devrait donner lieu à l'injection de 600 milliards de dollars supplémentaires.
Le retour d'une majorité républicaine au Sénat, très remontée contre l'interventionnisme de l'état dans l'économie, constitue un puissant contre-pouvoir qui est bien décidé à mettre un terme à la politique de la FED qui consiste à créer de la monnaie pour rien, puisque le chômage ne baisse pas aux Etats-Unis, alors que les impôts ne cessent d'augmenter et font obstacle à l'épanouissement du libéralisme qui est à l'origine du succès économique des Etats-Unis.
Ce courrant de pensées est d'autant plus fort qu'il rencontre un large écho dans l'opinion américaine excédée par la socialisation de l'économie mise en marche par Obama. Le sentiment qui domine est que l'injection de liquidités est d'autant plus inutile qu'il alimente la spéculation sur les marchés financiers et que l'essentiel de cet argent ne profite pas à l'économie des Etats-Unis puisqu'il part à l'étranger, en Asie notamment.
Certains sénateurs vont très loin puisqu'ils songent même à changer les statuts de la FED pour limiter son mandat à la seule lutte contre l'inflation et non pas à se soucier de la croissance économique. Les chances de changer les statuts de la FED dans un avenir prévisible sont extrêmement faibles, mais la controverse qui se développe aux Etats-Unis sur l'efficacité des mesures de soutien de la FED a de quoi effrayer les marchés.
Si ceux-ci perçoivent le moindre affaiblissement de l'action de la FED, ce serait un retournement de tendance complet avec la politique menée aux Etats-Unis depuis près de 20 ans. La perspective d'un arrêt de la stratégie d'accompagnement de l'activité est considérée par les spécialistes des marchés comme un des plus gros risques potentiels pour Wall Street.
Même s'il n'a échappé à personne que la « quantitative easy policy» menée par la FED donne des résultats très décevants, cette stratégie a pour conséquence de maintenir les taux d'intérêt à un niveau extraordinairement bas, ce qui est bon pour les actions et pour l'économie en générale. Car sans le soutien actif de la FED, la crise aurait été sans doute encore moins forte et il n'est pas dit que les Etats-Unis ne seraient pas déjà retombés en récession.
Si on suit le fil rouge qui consiste à penser que ce qui est le plus inquiétant pour les marchés ce n'est pas ce qui est connu, mais ce qui n'est l'est pas, il ne fait aucun doute que les risques d'inflexion de la politique monétaire de la FED peuvent avoir un impact encore plus négatif sur les marchés que les risques de contagion de la crise irlandaise.
Dans les jours à venir, il faudra donc suivre de très près ce qui se passe à Wall Street, car c'est là, et non pas en Europe, que se fait la tendance. Si un événement est susceptible d'infléchir la tendance, c'est bien un regain de tension sur les taux d'intérêt aux Etats-Unis ou une inversion du discours jusqu'à présent très volontariste de Ben Bernanke sur son désir de tout faire tout pour favoriser la reprise de l'activité.
Cette semaine sera très creuse à Wall Street, en raison des fêtes de Thanksgiving ce jeudi, ce qui ne facilite pas la prise de décision sur les marchés. Pas de quoi s'inquiéter outre mesure à ce stade, mais le changement de paradigme qui revenait à faire de la croissance à crédit n'est pas à prendre à la légère.
Monsieur Laskine,
Le terme anglais est "quantitative easing" et non pas "quantitave easy" (QE).
Soit vous avez essayé de faire un jeu de mot avec l'adjectif "easy" par rapport à la nature de cette "policy", - et je ne suis pas sûr qu'il soit alors compréhensible - soit il semblerait étonnant qu'une lecture assidue de la presse financière en anglais, indispensable je crois pour pouvoir porter un jugement sur les USA, ait pu laisser passer une erreur orthographique (et de signification) sur ce terme employé maintenant abondamment depuis longtemps (on est maintenant à QE2).
Pour le reste, tout à fait d'accord avec vous, c'est aux USA que se fait la tendance et un changement de paradigme serait lourd de conséquences. Que la policy de quantitative easing soit considérée comme bonne ou pas, l'intérêt majeur immédiat du monde serait plutôt que celle-ci réussisse, plutôt que de prouver qu'elle est mauvaise, et ce afin que l'économie américaine reparte au plus vite plus rapidement, et puisse ainsi en partie résorber les dettes, faire baisser le chomage et remonter les prix immobiliers américains. Par rapport à cela, l'importance donnée (en Europe) aux problèmes de la zone Euro avec la Grèce, Irlande, demain le Portugal, etc.... est exagérée vu le poids réel (et encore plus futur) de cette zone pour la santé de l'économie mondiale.
Cordialement.
Bonjour
Pourquoi dit-on toujours "injection" de 600 Milliards de $ et non "fabrication", plus proche de la réalité ?
"Ceux qui sèment dans les larmes récoltent en chantant"....
C'est sans doute applicable à la situation actuelle où les peurs et grincements de dents font croire que le monde va à sa perte. Et pourtant, il faudra bien un jour sortir de cette pétaudière et ceux qui auront eu le courage d'investir ajd s'en féliciteront demain. La sinusoïde que suit la bourse sur des années est une loi implacable et intangible.
PS je reviens sur l'écart CAC/DAX qui s'amplifie de jour en jour et pèse sur l'eurostock. Certes il y a bcp de bancaires dans le cac, mais de là à avoir un tel écart c'est quand même anormal et la frénésie baissière sur les banques finira bien par se calmer...
A quand un baudelaire de la finance pour rendre plus clairs ces paradigmes artificiels?
Roland Laskine le 10 septembre 2010 20h48 :
« C'est le moment d'acheter », titrons-nous cette semaine à la Une du Journal des Finances. Autant dire qu'un tel titre est affaire de conviction. J'espère que nous n'aurons pas à le regretter. Vous connaissez l'adage : quand les journaux disent qu'il faut acheter, il est temps de vendre..."
On est revenu SOUS les niveaux de 3765 la ou le CAC40 ouvrait suite a votre recommandation de septembre.
PS : il ne faudra pas oublier Mr Laskine de préciser le niveau sur lequel vous choisirez de vous "couper" , au cas ou on entrerait dans une vague baissiere....car une position , un investissement , ca se gère aussi par gros temps (la baisse) et pas uniquement sur mer d'huile (la hausse) !!
dites moi, est ce que nos chers analystes et traders des 2 cotés de l'Atlantique n'en font pas un peu trop au sujet de l'Europe et de l'Euro. Comme en mai j'entends dire un peu trop souvent que l'Euro est mort, que la Grèce, l'Irlande, le Portugal ne devraient pas être membres de l'Euro.Ni meme l'Espagne ou la France.
J'ai entendu aujourd'hui aux USA un commentaire dire très sérieusement que c'était la fin de l'Euro et de l'Europe. Est ce que je rêve ou quoi. est ce que personne n'a le réalisme de comprendre que sortir de l'Euro n'est simplement pas possible et que ce serait faire une part trop belle aux spéculateurs de tout poil avec tant de monnaies différentes à jouer entre elles. Ne peut on pas comprendre que l'Europe s'est fait la guerre bien longtemps et de bien des façons et que personne ne souhaite revenir à ces temps la. la situation de la Grèce , de l'Irlande serait bien pires sans l'Euro, et la prospérité de l'Allemagne ne tiendrait pas non plus. est ce que personne ne peut le comprendre ? c'est pourtant simple.
La nécessité évoquée de rester avec suffisamment de cash est au rendez-vous.
Pour les haussiers, sur les financières surtout, nous sommes fixés.
ATTENDRE des plus bas,
puis spéculation à court très terme,
puis réinvestissement.
SANS banques, pas d'économie.
En fait, ce qui se passe aujourd'hui, y compris l'influence néfaste outre la dominance américaine sur les marchés sont choses connues; le reste est une question d'évaluation, de prise de risque sur montants raisonnables et d'équilibre de son portefeuille.
Pour ma part = occasion de renforcer sur des industrielles de qualité, axées matières premières + pays émergents.
L'action - Umicore - hier = plus haut historique.
Courage pour les portefeuilles non liquides.
nb: ce post a été rédigé hier, mais vu le blocage de mon navigateur, je le transmets à nouveau aujourd'hui.