Marre des radars ? Songez à la désobéissance civile !
C'est devenu un rituel. La mauvaise saison venue, les grands médias rendent un hommage pudique à l'action silencieuse d'une poignée de fonctionnaires de chez EDF et GDF, ces "baïonnettes pensantes" qui refusent de couper le gaz et le courant chez les mauvais payeurs en situation particulièrement précaire.
Cette tradition de désobéissance civile chez les Pères Noël gaziers s'étend cette année à d'autres branches de la fonction publique. Messieurs, l'heure est grave. Songez que le phénomène a contaminé les enseignants au point de les voir rechigner à appliquer des directives ineptes. Tandis que du côté de Pôle Emploi, certains fonctionnaires s'obstinent à accorder des entretiens personnalisés aux demandeurs d'emploi. On croit rêver.
Mais il y a pire. Sur les quais des gares parisiennes, on entend des voyageurs lassés des grèves, des pannes et des retards à répétition jurer leurs grands dieux qu'on ne les reprendra plus. En guise de protestation, ils font le serment de ne plus payer leur titre de transport. Puis de souscrire à la "mutuelle des resquilleurs", délicieux organe associatif qui s'engage à couvrir le montant des amendes dont ces resquilleurs pourraient écoper… On aura tout vu.
Agrippez-vous à votre souris, l'histoire ne s'arrête pas là.
Que diriez-vous si je vous apprenais que des automobilistes à l'esprit décidément peu civique ont orchestré la grève du paiement des amendes reçues pour excès de vitesse ? Avec un succès certain puisqu'ils sont en passe de faire reconnaître l'installation des cabines radars comme illégale. Non, vous ne rêvez pas. Motif avancé par ces joyeux inconscients ? La multiplication de ces instruments automatiques sert plus sûrement à remplir les caisses de l'Etat qu'à réduire le nombre d'accidents. Et pan !
Mais dites-moi : je vous vois subitement tendre le cou pour mieux lire. Cela vous intéresserait-il donc ? Feriez-vous partie de la caste des mauvais Français qui ne songent qu'à leur bon plaisir, au détriment du bien collectif ? Tssk, tssk !
Allez ! Circulez, il n'y a rien à voir. Le miracle dont je vous parle est survenu en Arizona, bien loin de nos routes nationales et de l'arsenal déployé par un certain ministre de l'Intérieur, devenu entre temps Président de la République.
C'est égal. Nos édiles français feraient bien de s'inspirer de ce précédent américain. Aussi bien le député contestataire en mal de notoriété que le président de l'Automobile Club qui désespère de fédérer les automobilistes français. Même nos voisins britanniques réputés si disciplinés se laissent tondre avec moins de complaisance.
Songez que pour en finir avec les speed cameras sournoises postées à l'entrée de leur village, des administrés anglais ont fait valoir que les ces charmantes petites boîtes noires coûtaient plus cher qu'elles ne rapportaient, du fait du nombre incroyablement bas de délinquants de la route saisis sur le vif. Pas bête. Respecter les limitations de vitesse au point de réduire à néant l'intérêt même du radar, en voilà une forme intelligente de contestation !
Malheureusement, là encore, l'exemple paraît difficile à exporter au-delà du Channel. Il semble que nous autres, automobilistes Français, sommes incapables d'une telle autodiscipline. En revanche, preuve est faite que les gros sous sont décidément le nerf de la guerre.
Les administrés de la ville de Phoenix, en Arizona, en apportent la preuve grâce à leur grève des paiements et à leur art consommé pour échapper à la traque des process servers, ces aimables auxiliaires de justice chargés de signifier les assignations à comparaître. Un véritable jeu du chat et de la souris ! A la fin des hostilités, les renégats avaient réussi à faire chuter le taux de recouvrement des PV à 39 % seulement. De quoi gripper la machine pour de bon.
Il n'en fallait pas plus pour que le nouveau Gouverneur de l'Etat d'Arizona se résigne à mettre fin aux deux années de règne des radars automatiques voulus par son prédécesseur. Motif officiel : le système s'avère contraire aux libertés individuelles. Motif officieux : le taux élevé de mauvais payeurs met à bas la rentabilité d'un système qui prévoit de reverser environ un quart du montant de l'amende à Redflex Traffic Systems, le fabricant australien des radars.
Rassurez-vous, cette victoire ne fut pas acquise sans quelque esclandre. Il manque aux Américains le flegme des Britanniques…
C'est ainsi qu'un dérangé mental a ouvert le feu contre une voiture-radar. Il a tué un agent et écopé de vingt deux ans de prison. C'est ballot. Un autre automobiliste irrité par la multiplication des radars avait pris l'habitude de conduire le visage masqué. Avec tête de gorille ou de girafe, au choix. Résultat : $7.000 d'arriérés d'amendes et un joli trou dans le portefeuille. Cette autre automobiliste avait fait le pari que l'Etat renoncerait à lui adresser ses amendes si le montant des frais postaux devenait dissuasif. Mauvais calcul. Elle se fit photographier à plus de soixante-dix reprises avant d'être arrêtée et condamnée à payer près de $11.000.
Quoi qu'il en soit, les citoyens de l'Arizona sont aujourd'hui débarrassés de leurs radars automatiques. Certains prétendent que ce ne sera que pour un temps seulement. Car les défenseurs du système de contrôle automatisé et les responsables Redflex Traffic Systems prophétisent à qui veut l'entendre que le nombre d'accidents connaîtra une hausse sensible, et que l'opinion publique finira par s'en émouvoir. A voir.
Une chose est sûre, cependant. Dans les foyers américains, on parlera longtemps encore de cette belle victoire du peuple sur la machine et sur la logique du tiroir-caisse. Au pays de l'argent roi, elle se savoure à double titre.
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