mercredi 8 août 2012

Sport & Business ...


Les joueurs de tennis réclament un meilleur partage du magot de Roland-Garros


Par Christophe Palierse | 25/05/2012 | 10:14 | mis à jour à 14:46

Les Internationaux de France de tennis s'ouvrent dimanche. la Fédération française de tennis, organisatrice du tournoi, a augmenté la dotation aux joueurs de 7 % par rapport à celle de 2011, en faisant un effort substantiel pour les joueurs sortis aux premiers tours.

AFP
AFP
Le tirage au sort des tableaux féminins et masculins de l'édition 2012 des Internationaux de France de tennis, qui a eu lieu vendredi matin (voir les tableaux sur le site www.rolandgarros.com), n'a rien d'anecdotique. Pour nombre de joueuses et de joueurs, il déterminera la durée de leur parcours sur la terre battue du stade de Roland-Garros, où les premiers échanges commenceront dés dimanche. Et donc de leurs revenus au terme de cette quinzaine qui s'annonce sportivement prometteuse.
Car lors de ce « French Open », l'une des quatre épreuves du Grand Chelem-avec les Internationaux d'Australie, l'US Open et le très british Wimbledon, l'Espagnol Rafael Nadal pourrait détrôner le mythique Suédois Björn Borg avec un 7ème titre, tandis que le Serbe Novak Djokovic, sur-puissant numéro mondial, voudra effacer sa défaite lundi à Rome face au « roi Rafa ». Chez les femmes, le parcours de la chinoise Li Na sera tout particulièrement suivi. Va-t-elle confirmer après sa victoire historique de l'an passé qui a lancé le tennis en Chine ? Un succès qui a donné une nouvelle impulsion à la mondialisation de Roland Garros, l'un des événements sportifs planétaires annuels avec près de 1.400 journalistes accrédités et plus de 130 diffuseurs en 2011.
Si l'heure est donc à la fête Porte d'Auteuil, avec une météo qui semble vouloir se mettre au diapason, et si l'éventualité d'une grève des joueurs, qui planait encore le mois dernier, s'est éloignée, la grogne n'en couve pas moins dans le milieu. Outre un calendrier surchargé voir incohérent, la question d'une répartition trop inégale des revenus générés par les grands tournois suscite de l'acrimonie. Ce dernier point est d'autant plus sulfureux que le « Big Four » du tennis mondial, le quatuor réunissant Novak Djokovik, Rafael Nadal, Roger Federer et Andy Murray, rafle une part conséquence des primes allouées aux joueurs, le « prize money » dans le jargon tennistique, estimé aux alentours de 30% !

Roger Federer critiqué

Signe des temps, le très policé Federer, président du comité des joueurs de l'ATP, l'association internationale du tennis professionnel qui regroupe les joueurs et les organisateurs de 62 tournois -mais pas ceux du Grand Chelem -dans 31 pays, a été ouvertement critiqué. Très en vue dans ce mouvement de grogne, l'Ukrainien Sergueï Stakhovsky, 84ème joueur mondial, l'a jugé « trop neutre » et ... « trop Suisse », rapportait encore le mois dernier « L'Equipe ». Même Rafael Nadal, pourtant très proche du tennisman helvétique, a implicitement pointé la passivité de son ami Roger. Un désaccord qui expliquerait pour certains observateurs la démission, en mars, de l'Espagnol de la vice-présidence du comité des joueurs de l'ATP. Une lecture que l'on ne partage pas au siège de l'organisation. « Rafael reste très impliqué dans les discussions », assure une porte-parole de l'ATP. Des négociations parallèles ont en effet été ouvertes en mars avec les tournois du Grand Chelem, rattachés à la Fédération internationale du tennis (ITF). Y participent pour l'ATP son président, Brad Drewett, et le « Top 4 » des tennismen.
Pour sa part, la Fédération Française de Tennis (FFT), qui gère le tournoi de Roland-Garros, a pris la balle au rebond sans tarder : elle a annoncé le mois dernier une augmentation des primes -celles-ci sont identiques pour les hommes et les femmes -de l'édition 2012 de Roland Garros, en ciblant tout particulièrement la grande masse des participants. Ainsi, la progression varie, selon le tour, de 11,90% à 20% entre le deuxième tour des qualifications et le troisième tour du tableau final, soit pour plus de 300 joueuses et joueurs, alors que la dotation globale du tournoi s'accroît de près de 7%, à 18,718 millions d'euros. La hausse maximale a été appliquée au premier tour du tableau final, les joueurs percevant désormais 18.000 euros. Quant à la prime des vainqueurs, elle a été revalorisée de 4,17%, à 1,25 million d'euros.
« Nous avons envoyé un premier signal, et cela coûte plus cher d'augmenter le bas du tableau », commente le directeur général de la FFT et patron de Roland Garros, Gilbert Ysern. « L'économie de ce sport est loin d'être défavorable aux joueurs mais il doit, dans son ensemble, se pencher sur la situation actuelle. La richesse est trop concentrée », admet-il.

L'exemple Wimbledon

L'organisateur de Wimbledon, le All England Club, a également alourdi son « prize money » : le montant total des dotations du célèbre tournoi sur herbe anglais, dont le premier tour du tableau final débutera le 25 juin, atteint 16,06 millions de livres cette année, à comparer à 14,6 millions en 2011, le « prix » du vainqueur -identique pour les hommes et les femmes -s'élevant à 1,15 million, au lieu de 1,1 million l'an dernier. Concernant le prochain US Open, qui se déroulera du 27 août au 9 septembre, on devrait être fixé après Wimbledon.
« C'est encourageant de voir que Roland Garros et Wimbledon ont annoncé l'un et l'autre une augmentation pour cette année », reconnaît-on à l'ATP. Cela étant, elle reste avec les joueurs « concentrés sur les discussions avec chacun des tournois du Grand Chelem pour 2013 ».
Cette concentration des retombées du tennis professionnel dans les mains de quelques grands joueurs n'est toutefois pas un phénomène nouveau. Mais la suprématie incontestée des quatre ténors actuels, ainsi que leur puissance médiatique, qui incite bien des organisateurs à sur investir dans leur participation afin d'attirer les sponsors, l'ont accentuée.
De plus, la crise économique a déséquilibré le bel ordonnancement du tennis mondial. « Les partenaires ont réduit leur budget sauf pour les grands tournois. Il y a moins de garanties (les enveloppes versées aux joueurs pour assurer leur venue, NDLR), moins de sponsors. C'est plus difficile pour les joueurs, y compris au sein du Top 100 », observe Gilbert Ysern. « Il faut vraiment distinguer les tournois du Grand Chelem, les Master 1000 de l'ATP et ses tournois 5OO et 25O (supervisés par l'ATP, les « 1000 », « 500 » et « 250 » contribuent au classement des joueurs. A titre d'exemple, le vainqueur d'un 1000 gagne autant de points, NDLR). Ce n'est pas la même planète. L'équilibre économique d'un tournoi 250 est fragile. Or, les 250 constituent l'ADN du tennis professionnel. Ils font le classement », témoigne Yvon Gérard, l'actionnaire principal et le manager général du Moselle Open de Metz, un tournoi 250 de l'ATP dont la montée en puissance, ces dernières années, fait référence. « Le problème est simple. A moins d'avoir des sponsors, un joueur de tennis n'a aucun revenu garanti à l'année. Il la commence à zéro, et ne sait pas comment il va la terminer. En revanche, il a des frais tout au long de l'année », rappelle, par ailleurs, Morgan Menahem, agent de joueurs depuis une dizaine d'années, qui représente notamment Jo-Wilfried Tsonga, le n°1 français et 5ème mondial, et Julien Benneteau.

Transport et hôtels

Or, les joueurs sont confrontés au renchérissement des prix dans le transport aérien et l'hôtellerie, même si ceux relevant de l'ATP ont une obligation de fournir une chambre, d'autres pouvant par ailleurs financer tout ou partie de l'hébergement. Pour l'édition 2012 de Roland Garros, il est ainsi prévu une enveloppe globale de 1 million d'euros. En outre, bien des joueurs ont une petite structure autour d'eux pour couvrir l'ensemble des aspects de leur vie professionnelle qu'ils soient sportifs, médicaux, ou administratifs et financiers. Pour Jo-Wilfried Tsonga, le budget global avoisine ainsi les 400.000 euros par an, dont 100.000 euros pour les voyages, calcule son agent. Par ailleurs, la situation est loin d'être paradisiaque pour les joueurs mal classés qui bataillent dans les tournois « Challenger » de l'ATP, le circuit de second rang de l'organisation, voire au niveau inférieur dans les tournois « Future » de l'ITF. Au-delà des 100-150ème places, la vie « est plus difficile », constate, entre autres, Morgan Menahem. « Un joueur peut vivre des petits tournois en limitant les frais », note toutefois Yvon Gérard.
La sur-médiatisation du sport, ou plutôt du « sport business », est probablement un autre facteur alimentant la grogne des tennismen ne relevant pas de l'élite. « On parle sans arrêt des salaires des footballeurs. Or, leurs rémunérations sont sans équivalent avec celles des joueurs de tennis. A la fin de l'année, le centième joueur de tennis doit gagner 100.000 euros nets de frais », estime à ce propos Morgan Menahem. « La situation dans le golf, qui est le sport le plus proche du tennis, est toute autre : il y a beaucoup plus de moyens, ceux ne sont pas toujours les mêmes qui gagnent, et la carrière y est plus longue. Le numéro 1OO gagne trois à quatre fois plus que son équivalent dans le tennis. On vit bien du tennis mais on ne met pas d'argent de côté », analyse, de son côté, Gilbert Ysern. Ce dernier relève, au passage, que les récriminations ont pris corps au moment où la NBA était menacée de « lock-out » en raison du différend entre basketteurs et propriétaires de franchise sur le partage de ses revenus.

Le rôle de la FFT

C'est une partie délicate que doivent livrer joueurs et organisateurs des tournois majeurs. « Les tournois du Grand Chelem ont une essence associative. Il y a trois fédérations et un club (pour Wimbledon, NDLR) », tient à rappeler le patron de Roland-Garros. Surtout, assène Gilbert Ysern, la FFT « ne gagne pas d'argent avec Roland-Garros », car « sa richesse est investie dans le tennis français » : ainsi, « 73% du résultat net (70 millions d'euros pour 151,3 millions de revenus en 2011, NDLR) va au tennis français, 27% aux joueurs », détaille-t-il. Ce second ratio est de surcroît au dessus de la moyenne des grands tournois dont le taux de retour aux joueurs tourne « entre 20 % et 30% », assure Gilbert Ysern. En outre, le « French Open » est, à ses yeux, un « bon élève » avec un rapport de 1 à 70 entre le gain du premier tour du tableau final et celui de la victoire, à comparer selon lui au 1 à 11O pour les Internationaux d'Australie, et au rapport de 1 à 130 du dernier tournoi d'Indian Wells, l'une des grandes épreuves ATP.
Pas sûr que la démonstration suffise à clore le débat. Car, du côté des joueurs, c'est surtout la part des revenus des tournois du Grand Chelem qui fait réfléchir. Celle-ci tourne autour de 10 % à 16%, à comparer à une fourchette de 25 % à 35% dans les tournois ATP pour les hommes.
Mais l'ATP, qui a revu à la hausse sa politique de primes pour trois saisons en juillet 2011, et ses membres organisateurs ont aussi des questions quasi cornéliennes. « On peut augmenter notre « prize money » en réduisant les « garanties » (indemnités assurant la venue des joueurs dans les tournois hors épreuves « 1000 », NDLR) », relève ainsi Yvon Gérard. Pour le tournoi ATP 250 de Metz, le montant des primes s'élève à 330.00 euros, celui des « garanties » avoisinant les 350.000, précise-t-il. Surtout, observe ce dernier, l'ATP renforcerait la structure économique de ses épreuves en ventilant ses recettes de sponsoring. Une révolution.
A lire également :
CHRISTOPHE PALIERSE
Écrit par Christophe PALIERSE
Journaliste

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire