lundi 11 février 2013

HOIRIE à propos de ...






Droit
  • Avancement d'hoirie,
    donation faite à un héritier présomptif, par anticipation sur sa part dans la succession ; ensemble des biens faisant l'objet de cette donation.



09:00 - 10 février 2013 par Petra De Rouck

De quoi héritent les enfants, conjoints et beaux-enfants?




En Bel­gique, il est im­pos­sible de déshé­ri­ter ses en­fants. Ils peuvent tou­jours exi­ger la par­tie de votre hé­ri­tage qui leur est ré­ser­vée. Mais quelle est cette part ré­ser­vée d’of­fice à vos en­fants? Que pou­vez-vous faire pour aug­men­ter - ou ré­duire - leur part d’hé­ri­tage?
Selon le droit suc­ces­so­ral belge, les en­fants sont des hé­ri­tiers ré­ser­va­taires. Ils peuvent tou­jours exi­ger de re­ce­voir une par­tie de l’hé­ri­tage de leurs pa­rents. En tant que pa­rent, vous ne pou­vez dis­po­ser li­bre­ment de cette part ré­ser­va­taire. Mais de plus en plus sou­vent, des voix s’élèvent pour qu’il soit pos­sible de déshé­ri­ter ses en­fants. Même si une adap­ta­tion de la loi va déjà en ce sens, rien ne chan­ge­ra vrai­ment à court terme. Les pro­jets de mo­der­ni­sa­tion de la mi­nistre de la Jus­tice, An­ne­mie Tur­tel­boom, laissent la ré­serve des en­fants in­chan­gée.

Quelle est ac­tuel­le­ment la part ré­ser­va­taire?

L’éten­due de la part ré­ser­va­taire, ou "ré­serve", dé­pend du nombre d’en­fants du dé­funt. S’il n’a qu’un seul en­fant, ce der­nier aura droit mi­ni­mum à la moi­tié de l’hé­ri­tage. Deux en­fants peuvent pré­tendre mi­ni­mum à deux tiers de l’hé­ri­tage, trois en­fants ou plus à au moins trois quarts.
Mais on ne se li­mite pas aux biens du dé­funt au mo­ment du décès. "Les en­fants ont droit à une part ré­ser­vée de ce qu’on ap­pelle la masse fic­tive. En plus des biens exis­tant au mo­ment du décès, elle com­prend aussi toutes les do­na­tions du dé­funt au cours de sa vie qui sont comp­ta­bi­li­sées fic­ti­ve­ment dans les biens du dé­funt", ex­plique Re­nate Bar­baix, avo­cate chez Gree­nille et pro­fes­seur à l’Uni­ver­si­té d’An­vers. Il s’agit donc de tous les dons, que l’on ait ou non payé des droits de do­na­tion au mo­ment où ils ont été ef­fec­tués.

Quels sont les en­fants concer­nés?

Tous les en­fants na­tu­rels et adop­tés. On ne fait ici au­cune dif­fé­rence entre les en­fants nés de la re­la­tion ac­tuelle, d’une autre re­la­tion, ou d’en­fants nés hors ma­riage. Tous les en­fants sont égaux et jouissent des mêmes droits. Les beaux-en­fants ne sont pas pris en consi­dé­ra­tion. "Même s’ils gran­dissent dans la fa­mille avec leur beau-pa­rent, les beaux-en­fants  n’hé­ritent pas au­to­ma­ti­que­ment de leur beau-père ou de leur belle-mère, et ils ne sont pas ré­ser­va­taires", ex­plique Ann Mael­fait, avo­cate chez Rivus. "Le droit suc­ces­so­ral belge est un droit du sang: les membres d’une même fa­mille hé­ritent au­to­ma­ti­que­ment les uns des autres. Seul le droit suc­ces­so­ral qui concerne le conjoint sur­vi­vant ou les co­ha­bi­tants lé­gaux y fait ex­cep­tion."

Quid si la ré­serve d’un en­fant n’est plus dis­po­nible?

Dans ce cas, l’en­fant pour­ra ré­cla­mer sa part ré­ser­va­taire. Dans le jar­gon, on parle "d’ac­tion en ré­duc­tion". "Ce pro­blème ne se pré­sente que si le dé­funt a lui-même pris des disposi­tions, par exemple via un tes­ta­ment, ou a fait trop de do­na­tions", pour­suit Re­nate Bar­baix.

Puis-je déshé­ri­ter mes en­fants au bé­né­fice de mon conjoint?

"Les conjoints ma­riés peuvent re­por­ter le droit d’hé­ri­tage ré­ser­va­taire de leurs en­fants com­muns jusqu’au décès du conjoint sur­vi­vant", ex­plique Vincent Hovie. "Si vous êtes marié sous le ré­gime légal – com­mu­nau­té des biens –, l’en­tière com­mu­nau­té du ma­riage pour­ra être at­tri­buée au conjoint sur­vi­vant. Dans le lan­gage po­pu­laire, on ap­pelle cela "au der­nier vi­vant tous les biens". Les en­fants com­muns ne peuvent contes­ter, pour au­tant qu’aucun "bien propre" ne fasse par­tie de l’hé­ri­tage. "Pour les en­fants qui ne sont pas com­muns, c’est contes­table".
"Les conjoints ma­riés sous le ré­gime de la sé­pa­ra­tion des biens peuvent opter pour une clause de ré­par­ti­tion fi­nale", pour­suit Ann Mael­fait. "C’est un contrat de ma­riage in­tel­li­gent qui neu­tra­lise le manque de so­li­da­ri­té du ré­gime de sé­pa­ra­tion des biens. Les conjoints ap­portent les ac­qui­si­tions qu’ils ont réa­li­sées pen­dant le ma­riage dans une ‘masse suc­ces­so­rale’. Par exemple, on peut spé­ci­fier que cette masse à ré­par­tir, en cas de di­vorce, sera di­vi­sée à rai­son de 50-50 et qu’en cas de décès, la to­ta­li­té re­vien­dra au conjoint sur­vi­vant. Pour au­tant que cette ré­par­ti­tion to­tale ne concerne que les ac­qui­si­tions réa­li­sées du­rant le ma­riage et qu’il n’y ait pas d’en­fants d’un autre ma­riage, cette ré­par­ti­tion ne pour­ra être contes­tée."
Les conjoints ma­riés sous le ré­gime de la sé­pa­ra­tion de biens pure et simple peuvent aussi s’or­ga­ni­ser via ce qui s’ap­pelle une clause d’ac­crois­se­ment. "Cette clause peut être in­sé­rée par les conjoints qui dé­tiennent un por­te­feuille d’in­ves­tis­se­ment ou des biens im­mo­bi­liers en in­di­vi­sion", pour­suit Vincent Ho­vine. Que se passe-t-il en cas de décès d’un des conjoints? La pleine pro­prié­té de sa part du por­te­feuille d’in­ves­tis­se­ment ou d’im­mo­bi­lier re­vient au­to­ma­ti­que­ment au conjoint sur­vi­vant. "Vu que le conjoint sur­vi­vant re­çoit la pleine pro­prié­té sur base contrac­tuelle, et non sur base d’un hé­ri­tage, les en­fants ne peuvent pas ré­cla­mer leur part ré­ser­va­taire. La condi­tion, c’est que la clause d’ac­crois­se­ment ait été éta­blie de ma­nière équi­li­brée et que ce contrat aléa­toire le soit à titre oné­reux. Cela si­gni­fie que l’es­pé­rance de vie des deux conjoints doit être équi­va­lente. Ils doivent avoir à peu près le même âge et être en bonne santé, et ce doit être éven­tuel­le­ment at­tes­té par un cer­ti­fi­cat mé­di­cal." Sinon, il est pos­sible que la clause d’ac­crois­se­ment soit re­qua­li­fiée en do­na­tion, ce qui per­met­trait aux en­fants de leur mettre des bâ­tons dans les roues. De son côté, l’ad­mi­nis­tra­tion fis­cale sera alors ten­tée de sou­mettre la clause d’ac­crois­se­ment aux droits de suc­ces­sion. "De telles clauses d’ac­crois­se­ment ‘sur­vivent’ en prin­cipe à un éven­tuel di­vorce. C’est pour­quoi, lors de la ré­dac­tion du do­cu­ment, il faut être pru­dent afin que, le cas échéant, on puisse y mettre fin", pré­vient Ann Mael­fait

Existe-t-il d’autres ma­nières de déshé­ri­ter ses en­fants?

Une pre­mière pos­si­bi­li­té très simple consiste à dé­pen­ser tout son ar­gent. Il n’y aura dans ce cas plus d’hé­ri­tage, et vos en­fants n’au­ront rien. Mais pour la plu­part des gens, cette pos­si­bi­li­té n’est pas une op­tion.
"Ce qui est pos­sible, c’est de vendre des biens mo­bi­liers et im­mo­bi­liers, comme par exemple un por­te­feuille d’in­ves­tis­se­ment, en rente via­gère", ex­plique Vincent Ho­vine. "Le pa­tri­moine est ainsi rem­pla­cé par des droits tem­po­raires qui prennent fin lors du décès", confirme Re­nate Bar­baix. Dans cette construc­tion, les biens sont ven­dus à un tiers, qui, en échange, paie une rente pé­rio­dique. Lors du décès du ven­deur, l’ache­teur re­çoit la pleine pro­prié­té du bien et met fin aux paie­ments. "Il est es­sen­tiel que les rentes soient ef­fec­ti­ve­ment payées et soient comp­ta­bi­li­sées cor­rec­te­ment sur la base de l’es­pé­rance de vie du ven­deur-ren­tier. Sinon, on court le risque de re­qua­li­fi­ca­tion en do­na­tion par les hé­ri­tiers ré­ser­va­taires", fait re­mar­quer Vincent Ho­vine. Par ailleurs, le fisc peut aussi faire "comme si" la vente n’avait pas eu lieu, et exi­ger que l’ache­teur paie des droits de suc­ces­sion.
Quid de la so­lu­tion consis­tant à dé­mé­na­ger vers un pays commme les Etats-Unis ou la Grande Bre­tagne, où il n’existe au­cune ré­serve pour les en­fants? "Ce n’est en­vi­sa­geable que si le dé­mé­na­ge­ment est ef­fec­tif. Vous devez aller réel­le­ment ha­bi­ter dans ce pays, mais même dans ce cas, vous ne serez pas à l’abri de sur­prises, es­time Ann Mael­fait. Cer­tains pays se ré­fèrent, via le droit privé in­ter­na­tio­nal, au pays de la na­tio­na­li­té ou du ‘do­mi­cile’ selon la dé­fi­ni­tion an­glo-saxonne, si bien que ce sera le droit suc­ces­so­ral belge qui s’ap­pli­que­ra à l’étran­ger."

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