Analyse (13/10/2010)
Pays émergents : nouvel eldorado pour la pharma ?
La demande croissante de soins de santé dans les pays émergents ouvre de nouvelles perspectives pour les sociétés pharmaceutiques.
Marchés survitaminés
Selon l’IMS Health, cabinet d’étude spécialisé dans l’industrie pharmaceutique, les sept principaux pays émergents (Brésil, Chine, Corée du Sud, Inde, Mexique, Russie et Turquie) devraient voir leur marché pharmaceutique progresser de 13 à 16 % en moyenne ces cinq prochaines années (contre 4 à 7 % au niveau mondial). La Chine devrait être le pays le plus actif, avec une croissance de plus de 20 %, et devenir ainsi le troisième marché pharmaceutique mondial derrière les Etats-Unis et le Japon.
Origines de la croissance
Les développements démographiques
Outre l’augmentation de la population, l’émergence d’une nouvelle classe moyenne (aux revenus plus élevés grâce à l’essor économique rapide) et l’évolution du mode de vie expliquent le dynamisme de ce marché. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, un fumeur au monde sur trois est chinois. Or, le tabagisme est un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires et les cancers. De même, la progression du diabète explose avec l’adoption progressive du mode de vie occidental. Enfin, le vieillissement de la population, déjà bien réel dans les pays développés, s’accélère aussi dans les pays émergents.
L’accès aux soins de santé
La réforme des systèmes de santé (aides médicales, infrastructures) favorise l’accès aux soins du plus grand nombre. Ainsi, en Chine, les autorités investissent beaucoup pour que tous les citoyens aient une couverture médicale de base d’ici fin 2020 (70 % en 2009).
Les géants du secteur dévoilent leurs objectifs
Abbott : doubler les ventes dans les pays émergents d’ici 2013
AstraZeneca : y générer 25 % de ses ventes d’ici 2014 (contre 13 % en 2009)
Eli Lilly : y doubler le chiffre d’affaires d’ici 2015
GlaxoSmithKline : doubler ses ventes en Chine et en Inde dans les cinq prochaines années
Merck : y générer 25 % des ventes d’ici 2013 (17 % actuellement)
Novartis : doubler ses ventes dans six pays émergents (dont Brésil et Chine) et y facturer plus de 20 % des ventes de sa division pharma ;
Pfizer : accroître ses ventes dans les pays émergents de 3 milliards de dollars d’ici 2012 (6,5 milliards en 2009) ;
Sanofi-Aventis : y doubler ses ventes d’ici 2013
Roche n’a pas formulé d’ambitions spécifiques, mais a réalisé en 2009 le meilleur taux de croissance dans les marchés émergents, grâce e.a. à son anticancéreux breveté Herceptin.
Marges non assurées
Pour les géants du secteur, la question est de savoir si les marchés émergents seront aussi rentables que leurs marchés traditionnels. Rien n’est moins sûr.
Le secteur pharmaceutique des économies émergentes étant dominé par les génériques, les grands labos se focalisent sur les « génériques de marque », des médicaments dont le brevet a expiré et qui sont vendus sous la marque d’un groupe reconnu localement ou internationalement. S’ils sont vendus un peu plus chers que les génériques « 1er prix », leur rentabilité est très inférieure à celle des produits brevetés vendus dans les pays occidentaux.
La forte concurrence des sociétés locales et des géants du secteur entre eux pousse les prix à la baisse. Ainsi, GlaxoSmithKline réduit certains prix de 70 % pour rattraper son retard.
Néanmoins, les groupes pharmaceutiques peuvent limiter l’impact sur les marges. Non seulement les coûts (production, force de vente) dans les pays émergents sont plus bas, mais les médicaments qui y sont vendus sont souvent anciens et les frais de développement sont déjà amortis. En outre, les médicaments brevetés, qui ont aussi leur place dans les pays émergents, sont souvent vendus à un prix au moins égal à ceux pratiqués en Europe comme l’anticancéreux Taxotere de Sanofi-Aventis. Enfin, certains groupes, comme AstraZeneca ont une approche sélective des produits et des marchés.
Attention aux désillusions
Au-delà des craintes sur la rentabilité, d’autres dangers guettent les labos :
– l’hétérogénéité des pays émergents (traditions, particularités locales) et l’instabilité politique (corruption) leur donnent un caractère imprévisible.
– le coût des politiques de santé pourrait à terme freiner le dynamisme actuel; en Turquie, le nombre de personnes bénéficiant de l’assurance maladie publique a crû de 75 % entre 2003 et 2006, mais le gouvernement turc impose désormais des réductions de coûts dans la santé; et au Brésil, si une précédente réforme a permis la couverture de millions de personnes, la défaillance du financement du système de santé unifié engendre une santé à deux vitesses.
– la protection des brevets n’est pas toujours aussi favorable qu’en Occident. En Inde, la loi n’accorde de brevet qu’aux seuls médicaments nouveaux et réellement innovants;le Glivec (cancer) de Novartis s’y est cassé les dents.
Conseil
A l’instar d’autres secteurs, l’industrie pharmaceutique peut compter sur les pays émergents pour soutenir sa croissance. Mais la qualité de celle-ci sera sans doute moindre que celle connue jusqu’ici en Occident.
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