Un filon exceptionnel exploité par Bolloré
Vallourec, c'est probablement le meilleur coup de la carrière, pourtant riche en raids boursiers rentables, de Vincent Bolloré.
Novembre 2002 : sur les conseils d'Alain Minc, l'homme d'affaires acquiert 12 % du capital du groupe. La valorisation plafonne à 550 millions d'euros, seulement la moitié des fonds propres du fabricant de tubes. Vincent Bolloré montera jusqu'à un quart du capital, avant de se désengager de manière progressive en 2005, profitant d'un cours de l'action multiplié par dix. La plus-value totale est estimée à plus de 1,5 milliard d'euros. Et Bolloré n'a pas encore fini de récolter les fruits de son investissement : le 19 mai, il a vendu les deux tiers de sa participation résiduelle (5,2 %), empochant au passage 141 millions d'euros de plus-value.
Il y a le ciel, le soleil, et le fer. Des milliers de tonnes de minerai qu'une impressionnante armada de pelleteuses et de vieux camions bringuebalants arrache à la terre rouge de l'énorme mine à ciel ouvert de Pau Branco, à une centaine de kilomètres de Belo Horizonte, dans le sud du Brésil. Ici, au coeur du bien nommé Etat du Minas Gerais (« mines générales »), le français Vallourec extrait chaque année 4 à 5 millions de tonnes de minerai de fer, six jours sur sept, à la lumière des projecteurs quand vient la nuit.

Réserves stratégiques

Au volant de sa petite Volkswagen, Reinaldo Brandao, responsable de la production du site, entame le tour du propriétaire en slalomant entre les engins de chantier et les nids-depoule. Demi-tour face à un cul-de-sac - « Les pistes changent tous les jours, ici » -, avant de s'arrêter au fond de la mine, dans un décor d'une beauté lunaire. Il désigne une paroi de roche noire : « Voici l'hématite, notre trésor local. Elle renferme un minerai de fer de qualité remarquable. Même Vale [géant brésilien des matières premières. NDLR] est un client... »
Vallourec se découvrirait-il des velléités de challenger des Vale, BHP Billiton, Rio Tinto et autres géants miniers ? On en est loin : le leader mondial des tubes sans soudure pour les marchés de l'énergie et de l'industrie estime qu'il produit 1 % du minerai de fer extrait chaque année au Brésil, contre 75 % pour Vale. La mine de Pau Branco et ses trente-cinq ans de réserves n'en restent pas moins stratégiques : elles permettent de fournir en minerai de fer l'aciérie de Belo Horizonte et la future usine géante de Jeceaba, à 100 kilomètres, qui devrait livrer ses premiers tubes à la fin de l'année. Une intégration verticale à la mode Pechiney, qui était présent des mines jusqu'au produit fini. Un modèle, surtout, qui permet à Vallourec d'imposer le Brésil comme une nouvelle plate-forme d'exportation, aux côtés de l'Allemagne et de la France.« Nous produisons le minerai de fer, mais aussi le charbon consommé par nos hauts-fourneaux, issu de nos plantations d'eucalyptus, détaille Manfred Leyerer, directeur financier de la filiale brésilienne. C'est un modèle original dans l'industrie, qui nous permet de ne pas dépendre des cours du coke ou des contrats d'approvisionnements en fer. »

Verticalité rentable
Original, peut-être. Rémunérateur surtout. « Cette intégration verticale permet à la fois de sécuriser ses approvisionnements et d'échapper à la flambée des cours des matières premières, pointe Didier Julienne, ancien dirigeant de Norilsk Nickel et consultant indépendant, spécialiste des matières premières. Avec l'explosion des cours, ce modèle revient en force dans la sidérurgie, notamment avec ArcelorMittal et les groupes chinois. »
Vallourec n'a pas à se plaindre de son pari brésilien : sa filiale V&M do Brasil représente près du quart de son chiffre d'affaires total, soit 1 milliard sur les 4,4 milliards d'euros réalisés en 2010, et ses ventes ont augmenté de 44 % entre 2009 et 2010, quand celles du groupe plafonnaient à + 1 %. « Nous sommes portés à la fois par notre modèle intégré et par la croissance de notre principal client, Petrobras, qui va investir 156 milliards d'euros d'ici à 2014 et pourrait doubler le numéro un mondial ExxonMobil à l'horizon 2020 », explique Joao Perez, directeur marketing de la division Oil & Gas de V&M do Brasil. Pas mal pour une division tombée dans l'escarcelle de l'industriel français en 2000, lors de l'intégration des activités brésiliennes de Mannesmann. Le groupe allemand avait patiemment tissé sa toile au Brésil : un premier site de production établi à Belo Horizonte dès 1952 pour répondre aux besoins naissants de l'industrie pétrolière locale, une mine de fer ouverte trois ans plus tard, et enfin la plantation des eucalyptus importés d'Australie en 1969, toujours dans l'Etat du Minas Gerais, pour sécuriser ses approvisionnements en charbon végétal.
Plus de cinquante-cinq ans après le début de l'aventure, la machine brésilienne a été optimisée à tous les étages. La forêt, d'abord : Vallourec, via sa filiale V&M Florestal, dispose de 22 plantations d'eucalyptus dans le Minas Gerais, soit 115 000 hectares de forêts à quelques dizaines de kilomètres seulement de sa mine et de ses usines. Dans le centre de R&D high-tech, installé en pleine forêt, une quarantaine de biologistes mettent au point les plants les plus résistants aux maladies. La chaussure crissant sur les feuilles d'eucalyptus au sol, Helder Bolognani, le directeur du centre, désigne la canopée : « L'eucalyptus a la particularité d'atteindre 30 mètres en seulement six à sept ans, et de repousser une deuxième fois quand on le coupe à sa base, explique-t-il. Notre job, c'est de sélectionner les variétés les plus résistantes et les plus denses : plus il y a de bois, plus il y aura de charbon. »
Plus de 15 millions de jeunes arbres sont produits tous les ans dans la pépinière. Le bois est ensuite transformé en charbon dans les unités de carbonisation, une par plantation pour limiter les coûts de transport. Plus de 26 000 tonnes de charbon sont envoyées tous les mois vers les hauts-fourneaux de Belo Horizonte. Même exigence de productivité côté mine : « Nous avons divisé par deux les déchets par tonne de minerai produit en une dizaine d'années », souligne Reinaldo Brandao, responsable de la production de la mine de Pau Branco. « On pourrait sans problème passer de 4 à 6 millions de tonnes produites par an »,renchérit Manfred Leyerer.

Capacités dopées

Une flexibilité bienvenue, car les besoins en fer sont appelés à exploser. Dans l'usine historique de Belo Horizonte, les machines tournent déjà à plein régime : des mandrins (pièces métalliques) perforent des billettes d'acier en fusion pour donner leur forme aux tubes, qui s'entrechoquent dans un vacarme infernal. « On fabrique 90 tubes par heure », explique Guillaume Neel, ingénieur procédés du laminoir. Et ce n'est que le début : à une centaine de kilomètres de l'usine, le nouveau site VSB - un investissement de 1,4 milliard d'euros partagé avec le japonais Sumitomo -, est en voie de finition. Un complexe gigantesque de 250 hectares, intégrant une aciérie et une tuberie, qui dopera de 10 % les capacités mondiales de Vallourec. « Le site sera destiné à l'exportation de tubes pour l'industrie pétrolière et gazière, notamment vers le reste de l'Amérique du Sud, l'Amérique du Nord, l'Afrique et le Moyen-Orient », indique Joao Perez. Premières livraisons prévues pour fin 2011.
Vincent Lamigeon


44,36 EUR
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 18/10/2011 14:06




Vallourec décroche de 5,97% à 41,355 euros, pénalisé par la révision à la baisse de sa prévision de résultat brut d'exploitation (RBE) du second semestre. Le fabricant de tubes sans soudure en acier a prévenu que les incertitudes économiques et l'affaiblissement du real brésilien devraient limiter l'évolution de son RBE au second semestre, désormais attendu à un niveau similaire à celui du premier. Fin juillet, Vallourec prévoyait un RBE au second semestre légèrement supérieur par rapport à celui des six premiers mois de l'année (458 millions d'euros).

En revanche, le leader mondial du secteur continue de prévoir une augmentation de sa production expédiée et de son chiffre d'affaires au second semestre 2011, par rapport au premier semestre. A l'occasion de son "Investor day" à Belo Horizonte, au Brésil, le groupe a également précisé que les fondamentaux des marchés de l'énergie allaient rester fortement porteurs pour son activité.

Selon Vallourec, l'impact négatif des nouveaux projets (la nouvelle aciérie et tubérie brésilienne et le laminoir aux Etats-Unis) sur le RBE de l'année 2012 devrait se réduire à environ 60 à 80 millions d'euros. Par ailleurs, le groupe devrait bénéficier dès le début de l'an prochain des hausses des prix mises en oeuvre en 2011.

Vallourec, qui publiera le 9 novembre prochain ses résultats 9 mois, a perdu 44% en Bourse cette année et 51,40% depuis trois mois. Fin juillet, au début de la crise boursière, Vallourec avait chuté de plus de près de 17% en une séance après des résultats semestriels décevants.

AOF - EN SAVOIR PLUS 

Les points forts de la valeur 

- Vallourec est le co-leader mondial du marché des tubes en acier sans soudure, destinés principalement aux secteurs du pétrole et du gaz, de l'énergie électrique ainsi qu'à d'autres applications industrielles, avec environ 10% de part de marché. C'est aussi le leader mondial des solutions tubulaires premium destinées principalement aux marchés de l'énergie ;

- Vallourec bénéficie d'un savoir-faire remarquable, reconnu par ses clients ;

- La fiabilité de ses tubes permet au groupe de pratiquer des prix élevés, un atout en temps de crise ;

- Le nouveau dirigeant du groupe, Philippe Crouzet, qui vient de chez Saint-Gobain, a l'expérience des industries cycliques ;

- Avec un programme d'investissement important, Vallourec prépare activement l'après-crise. Le groupe a récemment investi dans le gaz non conventionnel, énergie dont la demande est en plein essor aux Etats-Unis ;

- Les investissements réalisés au Brésil, marché à fort potentiel, devraient lui procurer un avantage concurrentiel important ;

- Le groupe réalise plus de 40% de son activité dans les pays émergents, un des taux les plus élevés au sein des sociétés du CAC 40. Il poursuit notamment une stratégie de maillage en Chine avec des prises de participation dans des sociétés locales ;

- Grâce à la solidité de son bilan, Vallourec est en mesure de saisir de nouvelles opportunités de développement dans les solutions tubulaires premium ;

- Le Fonds Stratégique d'Investissement (FSI) détient environ 5% du capital, ce qui confirme l'intérêt stratégique de l'activité de Vallourec.

Les points faibles de la valeur 

- 2011 sera un exercice de redressement mais les marges devraient rester stables. Il faudra attendre 2012 pour les voir s'améliorer ;

- Les commandes des tubes pour les centrales électriques reculent du fait des reports d'investissement dans les centrales thermiques en Europe ou d'une concurrence exacerbée en Chine et en Inde ;

- L'activité de Vallourec n'est pas exposée au Japon mais la question du nucléaire constitue pour le groupe le principal enjeu avec le risque de voir gelés de futurs programmes d'investissements ;

- Le rendement de l'action est très faible.

Comment suivre la valeur 

- L'activité cyclique est très sensible à l'évolution de la conjoncture, en particulier aux Etats-Unis. Les performances du groupe sont sensibles à l'évolution du dollar car les coûts de production de ses usines européennes sont majoritairement libellés en euros, alors que leurs revenus s'établissent en dollars ;

- La division pétrole et gaz représentant 50% du chiffre d'affaires, le groupe est très sensible au prix du baril de pétrole. Ce dernier détermine avec un décalage de six mois à un an le niveau d'investissement des compagnies pétrolières dans l'exploration-production, et la demande de tubes de forage. Le titre est donc favorisé dans le cas d'un cours élevé du pétrole ;

- A suivre, les projets du géant brésilien Petrobras qui envisage d'investir plus de 220 milliards de dollars d'ici à 2014. Vallourec compte sur la mise en production de son usine au Brésil pour en profiter ;

- Un renforcement de la sécurité des forages en mer, suite à la marée noire dans le Golfe du Mexique, pourrait se traduire par un surcroît de demande pour les sociétés de services, et qui plus est pour celles, comme Vallourec, offrant des produits à haute valeur ajoutée ;

- Le débat sur la sûreté nucléaire pourrait renforcer les énergies fossiles avec un éventuel impact positif sur le prix du gaz, rendant encore plus rentables les shale gaz (gaz de schiste) sur lesquels Vallourec intervient ;

- Le capital du groupe est très morcelé, ce qui rend le groupe opéable. Bolloré, qui détient seulement 5% du capital ne peut être considéré comme un actionnaire de référence.

LE SECTEUR DE LA VALEUR 

Produits de base - Métaux 

Pour séduire les investisseurs les groupes miniers recourent à diverses stratégies. Ainsi Rio Tinto renforce son programme de rachat d'actions. Il va porter de 2 milliards à 7 milliards de dollars ce programme annoncé début 2011. Les rachats d'actions sont également à l'ordre du jour pour le géant australien BHP. Vale va, lui, reporter une partie de ses investissements pour verser un dividende exceptionnel de 3 milliards de dollars à ses actionnaires. L'Etat brésilien a récemment imposé un nouveau dirigeant à la tête de l'entreprise. D'autres types de dépenses sont également à prévoir pour les acteurs car la vague d'acquisitions n'est pas achevée. Alors que BHP Billiton vient de racheter le producteur américain de gaz de schiste Petrohawk, une bataille pourrait opposer ArcelorMittal et Anglo American pour le rachat du groupe australien Macarthur Coal. Ce dernier produit une forme de charbon pulvérisé destiné à la sidérurgie. Par ailleurs BHP Billiton n'exclut pas d'autres acquisitions dans le cuivre, dans la potasse ou le pétrole.





VALLOUREC EST LE LEADER MONDIAL DE LA FABRICATION DE TUBES SANS SOUDURE EN ACIER ET DE PRODUITS TUBULAIRES SPECIFIQUES DESTINES A DES APPLICATIONS INDUSTRIELLES
Le CA par famille de produits se repartit comme suit :
- tubes sans soudure (92,7%) : tubes lamines a chaud et tubes a usage petrolier et gazier ;

- tubes speciaux (6,2%) : tubes soudes en titane destines aux circuits secondaires de refroidissement des centrales electriques conventionnelles et nucleaires, tubes soudes en inox, tubes sans soudure finis a chaud, ecroutes ou lamines a froid, raccords a souder, etc. ;

- autres (1,1%).

Le CA par marche se ventile entre industries petroliere et gaziere (46,1%), energie electrique (20,3%), mecanique (11,1%), petrochimie (10,7%), automobile (5,7%) et autres (6,1%).

La repartition geographique du CA est la suivante : France (4,2%), Allemagne (14%), Europe (8,8%), Amerique du Nord (25,3%), Amerique du Sud (24,5%), Asie et Moyen Orient (16,8%) et autres (6,4%).

DIRIGEANTS
Philippe CrouzetPresident du Directoire
Jean-Pierre MichelDirecteur General
Olivier MalletMembre du Directoire
Jean-Pierre MichelMembre du Directoire
Olivier MalletFinances
Etienne BertrandCommunication
Etienne BertrandContact Investisseurs
Etienne BertrandCommunication Financiere
PRINCIPAUX ACTIONNAIRES
Societe Generale7,53%
Fonds Strategique d'Investissement6,02%
Capital Research and Management Company5,01%
Salaries3,41%
Bollore (ex-Bollore Investissement)1,71%
Sumitomo1,67%
Autocontrole0,47%