jeudi 9 juin 2011

Immobilier & fisc en France

10:11 - 30 mai 2011

Le fisc français vise les résidents belges


Les résidents belges qui détiennent une maison de vacances dans l’Hexagone sont concernés par une réforme française loi fiscale.

Le gouvernement français a approuvé, le 11 mai 2011, un projet de réforme de la fiscalité française du patrimoine. Il sera très vraisemblablement adopté par le Parlement français au début du mois de juillet, sous réserve d’amendements.

Que précise la nouvelle taxe?

Sont notamment prévus:

Un impôt sur les résidences secondaires détenues par des non-résidents, des Belges, par exemple;

Des changements dans le calcul de l’impôt sur la fortune (ISF), dont on rappelle déjà qu’il est notamment dû sur les biens immobiliers détenus en France par des étrangers;

Une hausse du tarif des droits de donation et de succession, applicables dans certains cas aux résidents étrangers.

Une autre règle nouvelle, "l’exit tax", pourrait avoir un impact, non plus directement pour les résidents belges mais sur le nombre de Français qui s’installent en Belgique.

Qui est visé?

En ce qui concerne la nouvelle taxe sur les secondes résidences, le projet prévoit de modifier l’article 234 sexdecies du Code fiscal français (le CGI) et d’introduire une imposition de 20&flexSpace;% sur la valeur locative des biens immobiliers détenus en France par des non-résidents. On vise par là les personnes qui n’ont pas leur domicile fiscal en France au sens du droit français (article 4 du CGI). Les résidents belges qui détiennent une maison de vacances dans l’Hexagone sont donc visés. La base imposable sera identique à celle de l’impôt foncier, sorte de revenu cadastral, d’un montant généralement faible en regard de la valeur locative réelle. Le coût pour chaque propriétaire devrait donc rester limité. Rappelons au passage que l’imposition en France n’exonère pas le propriétaire belge de déclarer la valeur locative en Belgique également.

Qu’en est-il des résidences secondaires détenues par l’intermédiaire d’une SCI?

La nouvelle taxe sur les secondes résidences s’appliquera non seulement aux personnes qui sont directement propriétaires, mais aussi à ceux qui détiennent un bien par l’intermédiaire d’une SCI (ou de toute autre société, française ou non, dont l’actif est principalement constitué de droits immobiliers en France).

Nombreux sont, en effet, les étrangers qui achètent leur propriété en France par l’intermédiaire d’une société civile. Un intérêt majeur de ce mécanisme consistait, jusqu’à ce jour, si la SCI est endettée, même vis-à-vis de son associé, à pouvoir déduire cette dette pour le calcul de la base taxable à l’ISF. Le projet remet toutefois ceci en cause. Un autre intérêt, typique pour les Belges, est lié à la fiscalité en cas de vente ou de location du bien et d’application ou non des droits de succession sur l’actif en question.

Quel impôt sur la fortune?

En ce qui concerne à présent l’ISF et l’incidence que peut avoir la nouvelle loi sur les résidents belges, rappelons tout d’abord que les étrangers sont redevables de cet impôt, sur leur patrimoine français. Selon l’article 750ter du CGI, constituent notamment des biens français, les immeubles possédés en France (directement ou non), les titres d’une société à prépondérance immobilière française, des actions de société française (sauf les placements financiers), les meubles détenus en France et certaines créances. Dorénavant, l’ISF ne visera "plus que" les patrimoines français d’au moins 1,3 million d’euros. Par contre, quand le seuil est franchi, l’impôt sera dû à partir du premier euro de patrimoine français, à un taux de 0,25&flexSpace;% jusqu’à 3 millions de patrimoine ou de 0,50&flexSpace;% si le patrimoine excède ce montant. Cette modification pourrait intervenir dès 2011.

Quid des droits de donation et succession?

En ce qui concerne les modifications aux droits de donation et de succession, les taux les plus élevés du barème sont rehaussés (jusqu’à 45&flexSpace;% en ligne directe; ce qui, notera-t-on, est 15&flexSpace;% de plus qu’en Belgique où les taux en ligne directe ne dépassent jamais 30&flexSpace;%). En matière successorale, l’impact se fera sentir à partir d’un héritage de 900.000 euros par héritier. A condition, si le défunt résidait en Belgique, que la France soit en droit d’imposer la succession (ce qui est le cas sur les biens immeubles français), suivant les règles d’une convention du 20 janvier 1959 en la matière, entre la France et la Belgique. Pour ce qui concerne les donations, il n’existe pas de traité entre les deux Etats. Chacun est donc libre de taxer les donations comme il l’entend. Le Belge qui détient un bien immobilier de valeur en France et souhaite le donner à son conjoint ou à ses enfants verra donc les nouveaux taux s’appliquer, sauf à mettre en œuvre des mécanismes permettant légalement d’y échapper.

Et les Français à l’étranger?

Et enfin, puisqu’il s’agit d’une mesure phare du projet, destinée également à entrer en vigueur en 2011, signalons qu’il est prévu de taxer dorénavant les plus-values que les Français réaliseront, après avoir quitté la France, sur des participations importantes qu’ils possédaient avant leur départ. De nombreux entrepreneurs français quittent, en effet, leur pays pour s’établir à l’étranger, par exemple, en Belgique, et vendre à ce moment leurs participations. Les plus-values ne sont généralement pas imposables dans notre pays. La nouvelle loi française prévoit d’instaurer une taxation à retardement sur la plus-value latente qui existait déjà au moment du "passage frontière". Le résultat de cette nouvelle règle pourrait être de ralentir les velléités de départ de certains Français, mais pourrait tout aussi bien être de les amener à se délocaliser pour se fixer définitivement à l’étranger. En effet, cette nouvelle imposition paraît contraire aux règles d’attribution du droit d’imposer qui sont prévues dans la plupart des traités fiscaux conclus par la France (notamment dans la convention franco-belge du 10 mars 1964 qui attribue à la Belgique le droit d’imposer les plus-values sur titres réalisées par un résident belge). Une fois protégé par le traité franco-belge contre l’impôt français sur les plus-values, il paraîtra risqué à certains de se ré-établir en France…

Par Manoël Dekeyser

avocat fiscaliste à Bruxelles, Dekeyzer & associés

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