vendredi 25 janvier 2013

Simulation ou Fraude ?



07:56 - 25 janvier 2013 par Nadine Bollen

Acheter une seconde résidence sans pénaliser vos enfants




Vous don­nez de l’ar­gent à vos en­fants et en­suite vous ache­tez une se­conde ré­si­dence en­semble. Aux yeux du fisc, c’est sus­pect. Mais cher­cher des al­ter­na­tives per­met­tant de réa­li­ser cette opé­ra­tion sans alour­dir la fac­ture suc­ces­so­rale pour­rait se ré­vé­ler en­core plus ris­qué que pro­cé­der à un achat scin­dé. Re­mise en si­tua­tion.
Les Belges raf­folent d’im­mo­bi­lier. Pour leur propre mai­son. Mais de plus en plus aussi pour une se­conde ré­si­dence à titre de pla­ce­ment. L’épargne et les por­te­feuilles de pla­ce­ments sont conver­tis dans la brique qui a prou­vé qu’elle garde sa va­leur aussi en temps de crise.
En­vi­sa­gez-vous aussi ce "switch pa­tri­mo­nial"? Avant de vous lan­cer, il est pru­dent de consi­dé­rer le désa­van­tage de pos­sé­der beau­coup d’im­mo­bi­lier par rap­port à la ges­tion d’un (im­por­tant) por­te­feuille de pla­ce­ments. Trans­fé­rer un pa­tri­moine im­mo­bi­lier à la gé­né­ra­tion sui­vante coûte cher. Bien plus cher qu’un pa­tri­moine mo­bi­lier.
C’est pour­quoi, jusqu’il y a peu, on don­nait sou­vent aux pa­rents qui avaient en vue une se­conde ré­si­dence le conseil d’im­pli­quer leurs en­fants dès l’achat. Com­ment? En pro­cé­dant à un achat "scin­dé" du bien (lire: achat scin­dé = éco­no­mie fis­cale). Si les en­fants n’avaient pas les moyens ou les éco­no­mies né­ces­saires pour ache­ter la nue-pro­rié­té, une so­lu­tion toute simple avait été trou­vée. Les pa­rents com­men- çaient par faire un don ma­nuel aux en­fants, évi­tant ainsi toute taxa­tion de ce ca­pi­tal. Dans un deuxième temps, ils ache­taient en­semble une ré­si­dence se­con­daire.

La tech­nique iso­lée ac­cep­tée

Mais, de­puis l’été, avo­cats et no­taires sont net­te­ment moins en­clins à pro­po­ser cette com­bi­nai­son de don suivi d’un achat scin­dé. Ce type de construc­tion fi­gure en effet sur la "liste noire" de ce que le fisc consi­dère do­ré­na­vant comme des "abus fis­caux". La ques­tion qui se pose de­puis lors est dès lors la sui­vante: existe-t-il des al­ter­na­tives et les­quelles pour ache­ter une se­conde ré­si­dence en évi­tant à ses en­fants de de­voir payer plus tard une lourde fac­ture suc­ces­so­rale?
Tout d’abord, il faut sou­li­gner que le fisc n’a pas de pro­blème avec la tech­nique iso­lée de l’achat scin­dé. "Si les en­fants ont eux- mêmes des fonds qu’ils peuvent jus­ti­fier, il n’y a aucun pro­blème. Ils peuvent alors fi­nan­cer l’achat de la nue-pro­prié­té avec leur propre épargne", ex­plique Na­tha­lie La­beeuw, avo­cate chez Ca­zi­mir. "Ces fonds peuvent très bien pro­ve­nir de do­na­tions an­té­rieures, par exemple, un don fait quatre ans plus tôt qui n’a rien à voir avec cet achat."
C’est la com­bi­nai­son d’une do­na­tion per­met­tant le fi­nan­ce­ment de l’achat de la nue-pro­prié­té qui dé­clenche des cli­gno­tants du côté du fisc. "La tech­nique n’est pos­sible que si vous pou­vez in­vo­quer de bons mo­tifs autres que le souci d’un gain fis­cal. Or, cette mo­ti­va­tion sera quasi tou­jours pré­sente", dé­clare Guillaume Dek­nudt du ca­bi­net d’avo­cats Del­boo-Dek­nudt.

Les al­ter­na­tives

  1. Le prêt ban­caire... ou des pa­rents. "Il n’y a pas 100 al­ter­na­tives à l’achat scin­dé, dit Na­tha­lie La­beeuw. Si les en­fants n’ont pas les fonds né­ces­saires, ils peuvent contrac­ter un em­prunt pour ache­ter la nue-pro­prié­té." Dans une banque ou, pour­quoi pas, au­près de leurs pa­rents. "Il va de soi que dans ce der­nier cas, le fisc vé­ri­fie­ra soi­gneu­se­ment que ce prêt n’est pas si­mu­lé, ou si des in­té­rêts sont pré­vus et sont réel­le­ment payés. Bref, qu’il s’agit bel et bien d’un prêt des pa­rents aux en­fants", sou­ligne Ann Mael­fait, du ca­bi­net d’avo­cats Rivus.
  2. Le bail à vie. Les en­fants achètent la se­conde ré­si­dence en pleine pro­prié­té et concluent un bail à vie avec les pa­rents. "Cela doit tou­jours se faire par acte no­ta­rié. Cela pro­cure un cadre ju­ri­dique plus sûr aux en­fants comme aux pa­rents", ex­plique Ann Mael­fait. "L’avan­tage d’un bail à vie est qu’il n’est pas ré­si­liable. L’in­con­vé­nient, c’est que les pa­rents doivent payer un loyer. Mais le paie­ment pour­rait être sus­pen­du jusqu’au décès des pa­rents. Cela fe­rait alors naître une dette dans la suc­ces­sion, dette qui ré­duit la fac­ture suc­ces­so­rale pour les en­fants", ajoute Na­tha­lie La­beeuw. Si l’épargne des en­fants n’est pas suf­fi­sante pour ache­ter la se­conde ré­si­dence en la pleine pro­prié­té, les pa­rents peuvent leur don­ner ces fonds. "Les pa­rents peuvent aussi prê­ter cet ar­gent à leurs en­fants. Ceux-ci rem­bour­se­ront alors leur dette à leurs pa­rents grâce au loyer que les pa­rents leur paient", sug­gère en­core La­beeuw.
  3. L’achat en in­di­vi­sion. Les pa­rents achètent 99% de la se­conde ré­si­dence en pleine pro­prié­té et les en­fants le pour cent qui reste. "L’in­con­vé­nient est que les en­fants ont par là leur mot à dire sur l’im­meuble. En outre, cela ne re­pré­sen­te­ra une éco­no­mie de droits de suc­ces­sion que si les en­fants ra­chètent la part des pa­rents avant le décès de ceux-ci. À noter qu’en Flandre, un dé­cret vient juste de dé­ci­der de re­le­ver le droit de par­tage de 1% à 2,5% pour une telle opé­ra­tion."

N’ayez pas peur, mais ne ca­chez rien

"Per­sonne ne veut ser­vir de co­baye", constate Na­tha­lie La­beeuw de Ca­zi­mir qui a ré­cem­ment eu deux dos­siers où les pa­rents ont dé­ci­dé par pru­dence de ne pas ache­ter l’ap­par­te­ment à la mer avec les en­fants.
"De­puis que le fisc a pu­blié sa cir­cu­laire à la mi-juillet, avec des exemples de ce qu’on peut en­core faire et de ce qu’on ne peut plus faire, le ci­toyen qui cherche conseil au ha­sard au­près d’un no­taire, d’un ban­quier ou d’un ex­pert comp­table, s’en­ten­dra dire que cela pose de sé­rieux pro­blèmes. Mais nous sommes quasi cer­tains qu’il n’y a pas de pro­blème avec un achat scin­dé pré­cé­dé d’une do­na-tion faite cor­rec­te­ment. Notre mes­sage est clair: n’ayez pas peur. Ma­ni­fes­te­ment, la cir­cu­laire se trompe en dé­cri­vant comme sus­pecte la pra­tique d’un achat scin­dé qui suit une do­na­tion." Les avo­cats Ann Mael­fait et Anton Van Zant­beek du ca­bi­net d’avo­cats Rivus sont tout à fait sûrs de leur fait. "Le texte légal est clair: seuls les avan­tages si­mu­lés sont visés. Par exemple dans le cas où ce sont soi-di­sant les pa­rents qui achètent l’usu­fruit et les en­fants la nue-pro­prié­té, alors qu’en réa­li­té ce sont les pa­rents qui paient la to­ta­li­té du prix et que les en­fants n’ont donc pas ache­té la nue-pro­prié­té avec leurs propres de­niers. Le lé­gis­la­teur veut sim­ple­ment com­battre ces avan­tages ca­chés, pas ceux qui se font au grand jour. Nous sommes re­la­ti­ve­ment sûrs qu’il n’y a pas de pro­blème."
Les avo­cats de Rivus dé­con­seillent dès lors de re­cou­rir à des tech­niques al­ter­na­tives quand les pa­rents choi­sissent un achat scin­dé. "Vous vous aven­tu­rez sur un ter­rain glis­sant. Les al­ter­na­tives sont selon nous tou­jours boi­teuses et com­portent dès lors un vrai risque de pro­blèmes. Vous faites en effet ce que vous n’aviez pas l’in­ten­tion de faire. C’est très proche de la no­tion de si­mu­la­tion, où vous na­vi­guez en eaux (fis­cales) dan­ge­reuses. Car la si­mu­la­tion est une fraude."

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