jeudi 10 janvier 2013

Palier ou pic ?



08:35 - 10 janvier 2013 par Patrick Luysterman

5 facteurs qui expliquent la stabilisation des prix immobiliers




Le temps où la hausse des prix de l’immobilier semblait sans fin est révolu. Cinq facteurs déterminent cette nouvelle réalité.
La valeur des maisons a augmenté deux fois moins vite en 2012. Et du côté des appartements, les prix sont déjà en baisse. Ce sont les premières conclusions du baromètre des notaires. Et on assiste à une stabilisation du volume des transactions. "L’immobilier belge résiste donc bien en dépit de la baisse, mois après mois, d’autres indicateurs économiques", conclut la fédération des notaires.
La question est dès lors de savoir quels sont les facteurs susceptibles de soutenir le secteur en Belgique. Et les spécialistes se heurtent ici aux éléments qui expliquent la hausse exorbitante des prix. Hausse qui ne devrait pas se répéter au cours des prochaines années.

1. La crise économique et financière

En caricaturant, on pourrait avancer que l’évolution des prix des maisons, entre 1975 et 2012, a été déterminée par quatre paramètres: le revenu disponible des ménages, le niveau d’emploi, les taux hypothécaires et le nombre de ménages. "Les deux premiers paramètres évoluent évidemment de manière négative en 2012 et 2013", reconnaît Johan Van Gompel, économiste en chef de KBC. "Il est même étonnant que le marché immobilier ait résisté aussi longtemps pendant la crise économique et financière qui nous a déjà touchés en 2008. Nous partons de l’hypothèse qu’une correction est intervenue dans la seconde moitié de 2012."
Van Gompel s’attend à ce que cette correction se poursuive en 2013, avec une baisse des prix de 6%  pour les appartements et de 7% pour les maisons. La plupart des spécialistes s'attendent à une correction plus progressive. Environ la moitié table, pour les cinq prochaines années, sur une hausse nominale moyenne limitée de 0 à 1% par an. Seule une minorité d’experts pense que durant cette période, la hausse des prix de l’immobilier pourra encore suivre l’inflation.

2. Les incertitudes fiscales

Les dernières mesures d’économie décrétées par le gouvernement ont eu peu d’impact direct sur l’immobilier résidentiel (sauf pour ceux qui ont placé leur immeuble dans une société). Mais il est évident que le gouvernement repartira à la pêche aux revenus supplémentaires dans les années à venir. "Je crains que le gouvernement finisse par tailler dans le statut fiscal des emprunts hypothécaires", avertit ainsi Frank Maet de la Banque Belfius.
Le transfert de la déduction des emprunts hypothécaires du fédéral vers les Régions doit encore se concrétiser d’ici 2014. Or, c’est précisément la longue période d’incertitude relative à la nouvelle fiscalité immobilière qui a aggravé la situation aux Pays-Bas. Chez nous, la question qui se pose est la suivante: les Régions auront-elles autant de moyens à y consacrer?
"À partir de 2014, la régionalisation du bonus logement et la réforme risquent de vraiment peser sur le marché. Je pars de l’hypothèse que les gens vont l’anticiper. Cela aura donc un impact positif sur le nombre de transactions en 2013, mais un impact négatif en 2014", prévoit Luc Machon, courtier en immobilier et président de l’Institut professionnel des agents immobiliers.

3. Les taux et les banques

La faiblesse des taux a été le principal soutien du marché immobilier en 2012. "Mais les banques ont dans le même temps fortement resserré leurs conditions d’octroi de crédits hypothécaires", observe Iain Cook, du réseau d’agences ERA. Le notaire Bart van Opstal constate lui aussi que de plus en plus de transactions échouent au stade de la remise du dossier à la banque.
Les taux hypothécaires sont restés très bas en 2012: 3,7 à 3,9% pour un taux fixe à 10 ans. "Ils ont cependant reflué moins vite que les taux à long terme", précise Bart Van Craeynest, économiste en chef chez Petercam. Encouragées par la Banque nationale (BNB) et les nouvelles règles internationales (Bâle III, qui seront sans doute reportées....), les banques profitent de ce déclin des taux pour augmenter leurs marges et imposer des conditions plus strictes. Cette politique plus sévère, en vigueur depuis l’été, est aujourd’hui confirmée noir sur blanc par le "lending survey" de la BNB. Ne sous-estimez pas l’impact de ce resserrement des conditions de crédit. Celui qui veut acheter une maison doit prévoir un apport personnel important. "Jadis, vous pouviez emprunter 100%, voire 110% de votre prix d’achat. Aujourd’hui, dans la plupart des cas, c’est 80% au maximum, voire moins. Pour une habitation moyenne, cela signifie donc que vous devez pouvoir mettre 100.000 euros sur la table. Et ce, au moment précis où la capacité des gens à épargner est moindre", analyse Philippe Janssens du bureaux d’études Stadim.
Personne ne s’attend à ce que les taux hypothécaires remontent fortement en 2013. La plupart des spécialistes tablent sur un statu quo. L’inflation sur base annuelle pourrait reculer de 2,9% à 1,6%. La question est surtout de savoir ce qu’il adviendra des taux réels (taux nominal moins l’inflation). L’an dernier, ils étaient proches de 0%. "Les prix de l’immobilier baissent surtout lorsque les taux réels se mettent soudain à grimper de manière spectaculaire. À ce moment, les autres classes d’actifs deviennent aussi intéressantes. Mais aussi longtemps que ce taux reste bas, les investisseurs sont attirés par l’immobilier", précise Pol Tansens de BNP Paribas Wealth Management.


4. Erreurs et opportunités

L’ensemble du marché immobilier ne sera pas intéressant dans les années à venir. "Il devient plus difficile d’éponger des décisions d’achat erronées en laissant simplement passer quelques années", avertit Stefaan Gielens, le CEO de la Sicafi résidentielle Aedifica. "Le potentiel de plus-value s’amenuise d’année en année. Il est en outre surtout présent dans les grandes villes", ajoute son collègue Xavier Mertens de Home Invest Belgium. Heureusement, la demande reste soutenue dans certains segments. "C’est certainement le cas pour les petits appartements neufs, à une ou deux chambres. Leur attrait s’explique par l’accroissement de la population, le vieillissement mais aussi par la multiplication des plus petits ménages", précise Julie Loeckx, manager opérationnel chez l’agent immobilier Certes. Jusqu’à 700 euros par mois, les appartements restent louables. Et comme les banques exigent un apport personnel plus important de la part des candidats acquéreurs, les jeunes ménages restent plus longtemps sur le marché locatif. C’est évidemment négatif pour le marché des petites et moyennes habitations car les jeunes ménages continuent à postposer l’achat d’une maison.
Le Belge doit en outre arrêter de croire que le prix des terrains à bâtir ne peut que monter compte tenu de leur rareté croissante. "La hausse du coût de la construction et la stagnation du budget disponible font qu’à un moment donné, le prix des terrains à bâtir ne peut plus monter", analyse Luc Vastmans, l’économiste du logement de la KU Leuven, qui s’attend à une baisse des prix.


5. Sous-évaluation limitée

L’élément encourageant, c’est que personne ne pronostique un véritable dérapage du marché immobilier en Belgique. La surévaluation dont l’hebdomadaire britannique The Economist faisait état ("jusqu’à 60% trop cher") il y a quelques mois, tous les experts la jettent au panier. La plupart spécialistes estiment pouvoir "vivre" avec les 15% de surévaluation que Luc Coene, le gouverneur de la Banque nationale, prévoit. Quant à savoir si et comment cette surévaluation va disparaître, les avis sont partagés. La plupart tablent sur le fait que l’inflation fera son œuvre, en toute quiétude. "Il est important que les gens comprennent que les prix de l’immobilier ne peuvent pas toujours monter", avertit Ivan Van de Cloot, économiste en chef de l’institut de recherche Itinera Institute.

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