samedi 10 septembre 2011

Briques ou papier ?


Société immobilière : y passer ou pas?

Etienne Viatour Avocat Bailleux&Causin
Mis en ligne le 04/10/2009
Sur le plan fiscal, placer un immeuble en société est, a priori, avantageux. Mais il faut examiner bien d'autres paramètres avant de franchir le pas.
On sait qu’aujourd’hui, de nombreuses opérations immobilières se réalisent à travers des sociétés. Le principal objectif est souvent fiscal : la vente d’un immeuble donne lieu à l’application des droits d’enregistrement de 12,5 % (10 % en Région flamande), alors que la cession des actions d’une société immobilière y échappe.
Même une société qui vend un immeuble s’expose aux droits d’enregistrement; en outre, au moment de la revente de l’immeuble, la société devra payer l’impôt des sociétés sur la plus-value réalisée. Si, au contraire, l’intéressée a pris la précaution d’abriter l’immeuble dans une société séparée dont elle détient les actions, la vente de ces dernières n’entraînera ni droits d’enregistrement, ni, en principe, impôt des sociétés sur la plus-value.
Ce mode opératoire apparaît encore plus attractif si on sait que l’apport d’un immeuble en société ne donne désormais plus lieu à la perception d’un droit d’enregistrement, sauf s’il s’agit d’un immeuble d’habitation.
La cession des actions d’une société propriétaire d’un immeuble pourrait-elle être requalifiée par le fisc au motif qu’il s’agirait d’une simulation ? Sauf circonstance exceptionnelle, et notamment si l’on évite de céder les actions immédiatement après l’apport, ce risque est inexistant. Faute pour elle de prouver l’absence d’affectio societatis, l’administration fiscale ne peut que renoncer à appliquer un droit d’enregistrement, puisque l’immeuble lui-même ne change pas de propriétaire.
L’appréciation de l’opportunité de recourir à une société immobilière pour loger un immeuble soulève néanmoins une série d’objections et de questions, fiscales et autres. Ces points méritent un rapide inventaire, même s’il n’est pas possible d’en épuiser ici l’examen.
Tout d’abord, les revenus d’un immeuble appartenant à une personne physique et donné en location à des fins non professionnelles, sont taxés sur base du revenu cadastral (même adapté); par contre, une société est en toute hypothèse taxée sur la base de ses revenus locatifs effectifs, sous déduction des charges, y compris des amortissements.
De plus, le loyer perçu par une personne physique est, par hypothèse, d’emblée entre les mains de celle-ci; par contre, pour se retrouver entre les mains de l’actionnaire d’une société, les bénéfices issus des revenus locatifs de cette dernière seront généralement distribués sous forme de dividendes, ce qui donnera lieu au prélèvement d’un précompte mobilier. La balance des avantages et des inconvénients d’une société immobilière, du point des revenus locatifs, demande dès lors toujours une analyse délicate et spécifique à chaque cas.
Ensuite, la cession des actions d’une société immobilière est souvent plus difficile que la cession d’un immeuble. En effet, d’une part, si l’acquéreur est conscient du fait que, tôt ou tard, la société pourrait être amenée à revendre l’immeuble, il considérera qu’existe une latence fiscale négative, d’autant plus élevée que les montants amortis et que la plus-value réalisée seront eux-mêmes élevés. Dès lors, cet acquéreur averti tentera de négocier une réduction du prix à concurrence du montant, plus ou moins actualisé, de cette latence fiscale. À lui seul, ce point peut donner lieu à des discussions âpres et difficiles.
D’autre part, s’il est éclairé, l’acquéreur d’une société redoutera toujours l’existence d’un passif occulte, c’est-à-dire de dettes non comptabilisées, actuelles ou futures, certaines ou simplement possibles. Le traitement du passif occulte est un des points les plus délicats dans la négociation d’une cession des actions de sociétés. Les sociétés immobilières n’échappent pas à cet obstacle, et celui-ci est d’autant plus difficile à franchir que l’histoire de la société est longue et mouvementée.
Par ailleurs, en droit commun, l’acheteur d’un immeuble bénéficie d’une garantie légale relative à la conformité et à l’absence de vice de l’immeuble vendu. Par contre, en cas de vente d’actions, cette garantie légale porte sur les actions de la société vendue, mais non sur l’immeuble lui-même puisque, dans ce cas, l’objet de la vente n’est pas l’immeuble, ce sont les actions de la société immobilière. Dès lors, la convention de cession des actions doit suppléer à ce défaut de garantie sur l’immeuble, par des clauses de garantie spécifiques, qu’il faut au préalable négocier et rédiger.
En outre, en période de crise financière - telle que nous en vivons actuellement -, la société immobilière peut devoir, à tout moment, acter dans sa comptabilité une moins-value latente sur son immeuble, ce qui peut entraîner, à la fois, une diminution de ses fonds propres sous les seuils légalement critiques, et l’ébranlement de la confiance de certains créanciers, par exemple de banquiers.
Inversement, l’abstention d’acter ces moins-values pour éviter ces deux conséquences, peut justifier un reproche, voire une condamnation et donc une responsabilité personnelle, du chef de faux bilan. Le problème n’est donc pas mince.
Enfin, une crise est toujours susceptible de déboucher sur une faillite, ce qui expose la société au risque d’assister, impuissante, à la vente publique de son immeuble, par un curateur et avec moins-value. Pour pallier ce risque, il faut que, dès l’entrée de l’immeuble dans la société, un scénario de sortie instantanée ait été organisé, sans que les occupants de l’immeuble soient mis à la rue et sans que la société perde tout l’acquis patrimonial de son bien.
Quadrature du cercle ? Pas nécessairement. Un scénario - certes complexe - peut être conçu : il s’agira, par exemple, d’une opération de "sale and lease back", par laquelle la société vend son immeuble puis, immédiatement, le reprend en location avec option d’achat (leasing). Pour échapper aux critiques, notamment d’organisation frauduleuse d’insolvabilité, cette opération complexe doit évidemment être soigneusement préparée. À lui seul, ce sujet mériterait tout un article.

http://www.lalibre.be/economie/libre-entreprise/article/533016/societe-immobiliere-y-passer-ou-pas.html
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