mardi 18 octobre 2011

S'il n'en reste qu'un ...




KBC se bat contre cinq démons

lundi 17 octobre 2011 à 09h54
Ces trois derniers mois, le bancassureur flamand a perdu près de la moitié de sa valeur boursière. Nous avons tenté d'identifier ses points névralgiques actuels.
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© Belga
Les derniers résultats semestriels de KBC Groep étaient meilleurs que prévu. Après six mois, le bancassureur enregistrait un bénéfice net de 1,15 milliard d'euros. «KBC reste une belle machine à bénéfices», concluait un analyste après la publication des chiffres au début du mois d'août. Avec un potentiel de bénéfice de 2 milliards d'euros sur base annuelle, c'est l'une des banques les plus rentables.
 
Pourtant, depuis début juillet, l'action KBC a perdu plus de 45 % de sa valeur. Entre autres parce que l'ensemble du secteur bancaire est sous pression. Les marchés n'ont plus confiance dans la façon dont on s'attaque à la crise de l'euro. Ils tiennent de plus en plus compte d'une faillite de la Grèce et d'une contamination d'autres pays. Avec une exposition de 500 millions à la Grèce et de 9,6 milliards aux cinq autres pays, KBC est moins concernée que d'autres banques.
 
Néanmoins, au cours de ces trois derniers mois, sa prestation boursière a été pire que celle de Dexia. Et c'est étonnant. Le portefeuille PIIGS de KBC n'est pas comparable à celui de Dexia. Le bancassureur flamand ne connaît pas non plus le problème du déficit de financement à court terme que connaît la banque franco-belge. Au contraire, KBC a un bon ratio loan/deposit (plus de dépôts d'épargne que de prêts) et donc une base de financement saine. De plus, KBC est beaucoup moins dépendant du financement interbancaire et donc moins soumis au récent stress ressenti sur ce marché.
 
Tous ces points positifs n'ont pas empêché les analystes d'abaisser systématiquement leurs cours cibles ces dernières semaines. Nous avons tenté d'identifier les principaux points névralgiques chez le bancassureur.
 

1. Le bénéfice va baisser

 
KBC Groep doit surtout ses beaux bénéfices du premier semestre aux provisions peu élevées qu'il a constituées pour couvrir les risques afférents aux opérations de crédit. La banque ne doit quasiment pas acter de pertes sur les prêts qu'elle octroie. Son credit cost ratio se situe à un faible niveau : 0,32 % (0,91 % en 2010 et 1,11 % en 2009).
 
La banque ne pourra pas garder ce niveau toute l'année, affirment des initiés. Et il y a des indicateurs dans ce sens. En Belgique, la croissance ralentit et le comportement de paiement des entreprises n'a jamais été aussi mauvais, signale le bureau d'informations commerciales Graydon. Plus les entreprises tardent à honorer leurs factures, plus il y a des entreprises qui rencontrent des difficultés. Comme KBC est le plus grand fournisseur de crédit flamand, il est logique qu'il en subisse les conséquences à terme.
 
Côté revenus, les fees and commissions sont sous pression (-13 % sur base annuelle) parce que les clients sont moins disposés à prendre des risques et que l' «usine à fonds de placement» de KBC tourne à un plus bas régime. Les salles des marchés et la gestion de fortunes souffrent aussi des conditions du marché. KBC compense ces baisses de revenus en recourant à une marge d'intérêt élevée et en maîtrisant les coûts. Mais il faut aussi tenir compte des désinvestissements qui ont été planifiés. Si tout se passe comme prévu, les ventes d'actifs peuvent écrémer le bénéfice de 20 %.
 

2. L'Irlande nécessite des provisions plus importantes

 
Le principal problème de KBC est sa banque irlandaise : KBC Bank Ireland. Celle-ci a émis des crédits pour 16,9 milliards d'euros, soit 10 % des crédits du groupe. Ces dernières semaines, il y a eu quelques signes macroéconomiques encourageants indiquant une lente amorce de reprise de l'économie irlandaise. Mais cette reprise est vulnérable et surtout axée sur les exportations.
 
Pour les Irlandais, la crise est tout sauf terminée. Leurs revenus sont sous pression et le chômage n'a jamais été aussi élevé. La consommation intérieure est encore toujours amorphe. Beaucoup d'Irlandais ont des problèmes financiers. Plus d'un crédit-logement sur 10 subit un retard de paiement. Cette situation accroît la pression sur le gouvernement irlandais pour qu'il vienne en aide à ses citoyens. Il a déjà élaboré des mesures de protection qui autorisent les emprunteurs à ne rembourser que l'intérêt (et rien ou seulement une partie du capital) pendant une période déterminée ou d'étaler les remboursements sur une plus longue période. Et on s'attend à ce que le gouvernement étende encore davantage ces mesures.
 
Cinquante pour cent des dettes hypothécaires irlandaises sont entre les mains de banques étrangères. Aux côtés de Rabobank, Lloyds et RBS, KBC est l'un des plus importants acteurs sur ce marché. Les crédits-logement accordés à des gens qui achètent une maison pour l'occuper eux-mêmes, représentent 9,7 milliards d'euros. C'est en principe la part la plus sûre du marché mais depuis juillet, on assiste à une hausse spectaculaire du nombre de défauts de paiement dans ce segment également. Le nombre de crédits à problème de KBC Bank Ireland a atteint 13,2 % au deuxième trimestre. Et entre-temps, la valeur des maisons continue à baisser.
 
Jusqu'à présent, KBC n'a pas constitué de cagnotte importante pour couvrir ses activités irlandaises. L'an passé, le groupe a certes pris une provision unique de 525 millions d'euros et y ajoute quelque 40 à 50 millions d'euros chaque trimestre mais c'est trop peu, selon le marché. Bon nombre d'analystes s'accordent à dire que le montant doit doubler pour atteindre 100 millions d'euros par trimestre.
 
Actuellement, KBC a mis quelque 850 millions d'euros de côté. Selon beaucoup d'observateurs, ce montant n'est absolument pas adapté à la perte réelle que la banque risque de subir sur ses crédits en Irlande. D'autres banques ont opté pour une plus grande couverture des risques de crédit. On s'attend à ce que KBC soit contraint d'acter une substantielle provision supplémentaire.
 

3. La Hongrie sera-t-elle l'Irlande de demain ?

 
Un autre pays à problème pour KBG Groep est la Hongrie. Ce pays est confronté à un important déficit public et le gouvernement Orban met tout en œuvre pour que la Hongrie ne devienne pas la Grèce de l'Europe de l'Est. C'est pourquoi il a pris toutes sortes de mesures de crise, comme l'introduction d'une taxe bancaire qui coûte 62 millions d'euros à KBC cette année. Mais fondamentalement, l'économie hongroise reste faible.
 
KBC détient des crédits en Hongrie pour un montant de 6,4 milliards d'euros. Comme en Irlande, le nombre de crédits à problème augmente d'un trimestre à l'autre. Fin juin, il y en avait 9,1 %. Mais 69 % de ceux-ci sont couverts par des provisions, ce qui est substantiellement plus que les 37 % de couverture en Irlande.
 
Dans le rapport de taux de change actuel de 230 à 240 forints pour 1 franc suisse, le nombre de crédits à problème peut encore fortement augmenter. KBC tient compte de 12 % de crédits à problème à la fin de l'année, ce qui résulterait en une augmentation des provisions de 24 millions d'euros. Entre-temps, la banque centrale suisse a placé une limite à la hausse de sa monnaie. Mais récemment, le Premier ministre hongrois a annoncé un plan visant à offrir aux Hongrois la possibilité de rembourser leurs crédits libellés dans une monnaie étrangère en bénéficiant d'une forte réduction. On appliquerait un taux de change de 180 forints pour un franc suisse. Cette mesure est susceptible de coûter beaucoup d'argent aux banques. Thomas Nagtegaal, analyste de RBS, pense qu'elle provoquera un «trou» de 171 millions d'euros dans les caisses de KBC. Provisoirement, il n'apparaît toutefois pas clairement si le plan sera adopté - la Commission européenne est très critique à ce propos - ni combien de Hongrois y auront recours.
 

4. Le programme de désinvestissement fait du surplace

 
En 2008 et 2009, KBC a reçu 7 milliards d'euros d'aide publique (3,5 milliards de l'Etat fédéral et 3,5 milliards de la Flandre). C'est la raison pour laquelle la Commission européenne a contraint le bancassureur à se défaire d'une partie de ses actifs. Dans une première phase, ils ont été vendus facilement mais cette année, le programme de désinvestissement ne progresse quasiment plus. Centea a certes été cédé à Crédit agricole mais en fait, cette opération fut une déconvenue car initialement KBC voulait vendre Centea en même temps que l'assureur Fidea (que KBC vient tout juste de céder à l’américain J.C. Flowers).
 
La vente de KBL, la branche de private banking de KBC, a échoué dans un premier temps. Le repreneur indien Hinduja s'est avéré inacceptable pour les organes de surveillance de sorte que le bancassureur a vu 1,6 milliard d'euros lui passer sous le nez. KBC a entrepris une seconde tentative de vente. Celle-ci se concrétise enfin en dépit des circonstances difficiles sur les marchés financiers. Le bancassureur flamand a en effet conclu un accord avec Precision Capital (entité luxembourgeoise qui représente les intérêts d'un investisseur de l'Etat du Qatar) pour un montant de 1,050 milliard d'euros.
 
La partie de son programme de désinvestissement qui devait rapporter le plus d'argent - l'entrée en Bourse de CSOB (République tchèque) et de K&H Bank (Hongrie) - a néanmoins été annulée. En échange, KBC vendrait sa banque polonaise Kredyt Bank et l'assureur Warta. Il s'agit en effet d'une opération qui suscite plus d'intérêt sur le marché. «Pour les activités en Pologne, il semble y avoir plusieurs candidats repreneurs et la valorisation y est aussi plus élevée qu'en Europe occidentale, souligne Rudy De Groodt, analyste de BNP Paribas Fortis Private Banking. Là, KBC peut peut-être encore bien s'en tirer à court terme. En tout cas, le marché veut voir se réaliser des ventes dans les prochains mois. Le quatrième trimestre sera le moment de vérité», conclut-il.
 

5. La menace de dilution en cas d'augmentation du capital

 
Comme le programme de désinvestissement fait du surplace, il n'y a pas d'argent supplémentaire qui entre dans les caisses de KBC. Et cette situation perturbe sérieusement les projets. Le groupe aimerait beaucoup rembourser une partie de l'aide publique à la fin de cette année. L'ex-directeur financier Luc Philips a exprimé publiquement son irritation concernant le taux d'intérêt de 8,5 % que KBC doit payer annuellement à la Flandre et à l'Etat fédéral. Le coût total de ces intérêts atteint 600 millions d'euros. La banque veut s'en débarrasser au plus vite. Fin 2011 se présentera une chance unique de racheter la participation de l'Etat fédéral moyennant le paiement d'une pénalité de 15 %. Chaque année que KBC attend pour procéder à cette opération entraîne 5 % de plus. A la Flandre, KBC doit en tout cas payer 50 % en sus du montant nominal.
 
Le problème est que la facture grimpe vite. Si KBC Groep rembourse 3,5 milliards tant à l'Etat fédéral qu'à la Flandre en payant en sus les pénalités respectives de 15 et 50 %, il devra mettre sur la table 9,3 milliards d'euros à la fin de l'année. Selon Matthias De Wit, analyste de Petercam, la banque a pour l'instant un excédent de capitaux de 3,5 milliards d'euros. Même si la vente des intérêts polonais et de KBL lui rapporte 3 milliards d'euros, il subsiste encore un déficit de 3 milliards d'euros.
 
De plus, dans les circonstances difficiles qu'on connaît actuellement, il ne semble pas intelligent pour les banques de réduire leurs matelas de capitaux. Une telle démarche entamerait la confiance des marchés qui utilisent de plus en plus 10 % du capital de base comme norme. Quelques analystes contactés par nos soins pensent que KBC décidera de rembourser partiellement l'aide publique à la fin de cette année. Quoi qu'il en soit, KBC ne dispose pas actuellement d'assez de capitaux pour rembourser l'aide publique et maintenir simultanément à niveau les matelas de capitaux. De sorte qu'une augmentation de capital semble indispensable. Les analystes partent du principe que KBC doit lever 2 milliards d'euros.
 
Mais il y a un problème : le cours boursier de KBC est à présent tellement bas qu'une augmentation de capital provoquerait une gigantesque dilution. On sait que certains actionnaires principaux (KBC Ancora et Cera) sont pour l'instant incapables de participer à une telle opération. Une augmentation de capital mettrait en danger le contrôle exercé sur le groupe. Et c'est un prix que les actionnaires préfèrent ne pas payer. «Une augmentation de capital n'aura lieu que s'il n'y a vraiment pas moyen de faire autrement. Pour certains actionnaires, c'est plutôt un plan C qu'un plan B», déclare clairement un insider.
 
Bref la crainte d'une éventuelle augmentation de capital est suspendue comme une épée de Damoclès au-dessus du cours boursier de KBC. De sorte que la banque est en fait prise dans un cercle vicieux. Tant que la situation n'est pas claire, le cours baisse. Plus le cours baisse, moins une augmentation de capital devient vraisemblable.
 
Patrick Claerhout

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