mardi 8 février 2011

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Posté le 3 février 2011 par Bruno Colmant

L'or et le secret des templiers...

OrEn quelques semaines, le cours de l’or a atteint des sommets stratosphériques. Rien d’étonnant à cela : depuis l’antiquité, ce métal est le refuge des crises financières. La thésaurisation répond à un réflexe millénaire, à savoir le manque de confiance à l’égard du système financier.

Les raisons de cet engouement métallique sont nombreuses. L’or possède des qualités intrinsèques, telle son inaltérabilité dans le temps et son volume réduit. De plus, les lingots étant désormais estampillés, les quantités d’or sont standardisées, tant en termes de pureté que de poids.

Un élément caractérise cependant le récent phénomène de thésaurisation. Dans le passé, l’or répondait à la défiance par rapport à la monnaie fiduciaire, c’est-à-dire la monnaie-papier, émise par les États. Aujourd’hui, le repli vers l’or consacre des craintes par rapport à la monnaie électronique, c’est-à-dire aux risques bancaires systémiques, et à l’inflation. Des pressions inflationnistes pourraient, en effet, être entraînées par les liquidités injectées dans le système bancaire et les déficits publics créés par les plans de relance. Dans cette perspective, l’or constitue un refuge naturel contre l’érosion monétaire.

Ce fut le cas au cours des grandes crises monétaires, telles celle des assignats français de la Révolution française et de l’hyperinflation qui a traversé l’Allemagne de l’entre-deux guerres. Au reste, les systèmes monétaires les plus stables et pérennes furent, pendant très longtemps, les monnaies convertissables en or, tel le franc-or (ou franc germinal), créé en 1803 et qui subsista jusqu’en 1928. Le système de Bretton Woods, imaginé en 1944, postulait également la convertibilité des principales devises en or jusqu’à son abandon par le Président américain Nixon en 1971. En 1976, les accords de Kingston, à la Jamaïque, confirmèrent l’abandon du rôle légal international de l’or.

Faut-il regretter ces temps anciens de la monnaie métallique et des références aurifères de nos monnaies ? Probablement pas, encore que quelques théoriciens associent le dérapage financier de nos économies à l’émergence d’une bulle de monnaie électronique.

En vérité, la référence à l’étalon or constitue un frein à la croissance, puisque la masse monétaire est bornée par les ressources minières. Celles-ci limitent les volumes de commerce aux capacités d’extraction. Progressivement, le crédit fut d’ailleurs dissocié d’un stock métallique et la monnaie crée sur base d’inscriptions en compte. Désormais, ce sont les banques qui injectent des liquidités et l’or est devenu ce que Keynes appelait une « relique barbare ».

Mais, ce qui est troublant, c’est qu’au cours de l’histoire, l’or fut un refuge métallique autant pour les épargnants que pour les institutions chargées d’assurer la confiance monétaire. En d’autres termes, les États tirèrent parfois eux-mêmes grand profit de l’étalon or, et ceci au détriment de leurs propres citoyens.

L’histoire de la finance abonde d’illustrations d’États faux-monnayeurs, raison pour laquelle le privilège de battre monnaie était réservé aux Rois. A Athènes, par exemple, la valeur faciale des pièces de monnaie était supérieure à leur coût de production. Le Roi de Lydie (territoire situé à l’ouest de la Turquie), Crésus (596 à 547 AC), avait mis en circulation des pièces de monnaie contenant seulement 54 % d’or et non les 70 % promis.

Plus tard, au Moyen-âge, Philippe le Bel (1268-1314) fut sans doute un des plus célèbres escrocs de la famille capétienne. Traité de faux-monnayeur par le Pape Boniface VIII, il changeait les parités monétaires au gré de ses besoins personnels. Le Roi modifia même la composition des pièces d’argent, remplaçant le précieux métal par du billon (ou argent noir), un mélange d’argent, de cuivre et de plomb. Le souverain dut d’ailleurs faire face à de sévères rebellions qu’il réprima férocement. Acculé financièrement, Philippe le Bel obtint l’accord du Pape Clément V pour déclarer hérétiques les Templiers afin de s’emparer de leurs biens.

Huit siècles plus tard, on cherche toujours le trésor des Templiers. Par contre, toutes les communautés gardent les mêmes réflexes en cas de perte de confiance, se précipitant vers les repères métalliques lorsque les jalons monétaires deviennent flous. A l’aune des leçons de l’histoire, le sauvetage bancaire, tel qu’effectué par les pouvoirs publics, s’avère être une démarche optimale. Mais les injections de liquidité, plans de relance et déficit budgétaire auront un prix, un jour. C’est sans doute ce qui explique le réflexe aurifère.

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