vendredi 4 février 2011

Scriptophilie ou Scripophilie ?

Les "vieilles actions", le jackpot?

INVESTIR

Elles trainent au grenier dans un coffre. Vous les retrouvez suite au décès de votre grand-parent... Les vieilles actions valent parfois plus que le papier jauni qu'elles arborent. Parfois, elles valent même une vraie fortune.

(mon argent) - Allez fouiller dans votre grenier, vous êtes peut-être riche sans le savoir… Les anciens titres de Bourse sont souvent considérés comme de simples jolis morceaux de papier jaunis. Les enfants apprécient la richesse de leurs illustrations qui sont parfois gravées en plusieurs couleurs. Leurs parents regrettent, eux, que leurs aïeux n’aient pas vendus leurs actions et leurs obligations quand elles avaient encore une valeur marchande… Mais certains chanceux peuvent en réalité avoir dans leurs mains un véritable petit pactole. La scripophilie peut rapporter gros, très gros.

Prix exorbitant

820.000 euros… Le chiffre a de quoi faire rêver. La célébrissime maison de vente aux enchères Christie’s a vendu en novembre dernier à New York pour cette somme record la toute première obligation pour la roulette de Monte Carlo (photo ci-contre). Ce titre avait, il est vrai, tout pour plaire. Imaginé par Marcel Duchamp, ce petit bout de papier est illustré par une œuvre du dadaïste américain Man Ray qui représente une photo du peintre français couvert de bulles de savon et coiffé de deux ailes avec pour seul arrière-plan une roue de roulette.

Imprimées à seulement 30 exemplaires (il y a toutefois peu de chance qu’elles aient toutes été vendues), ces obligations au porteur d’une valeur faciale de 500 francs chacune et datant de 1924 sont signées par la main du plasticien qui a inspiré de nombreux artistes contemporains. Les propriétaires de ces titres, et notamment plusieurs amis de M. Duchamp dont la peintre Marie Laurencin ou son dentiste Daniel Tzanck, ont du se mordre les doigts d’avoir investi une partie de leurs deniers dans cette société qui a connu un échec retentissant. Mais leurs descendants ne doivent pas en dire autant…

Le prix exorbitant payé à New York pour cette obligation d’une entreprise disparue depuis bien longtemps peut étonner mais il s’explique. L’immense majorité des anciens titres de bourse se vendent pour quelques euros dans des brocantes ou sur des sites spécialisés tels quenumistoria.com, pentenrieder.com ou schoene-aktien.de. Les acheteurs sont souvent des employés ou des retraités des entreprises citées sur ces titres. Les actions les plus chères dont les prix dépassent 500 euros sont, elles, presque toujours vendues aux enchères.

CRITÈRES

Mais quels sont les critères qui font d’un morceau de papier sans valeur une perle rare?

  • L’ancienneté: Les anciens titres de Bourse se bonifient avec l’âge. En clair, plus leur date d’émission est ancienne, plus leur prix a des chances d’être important. Une action d’une société présente dans l’aviation est considérée ancienne lorsqu’elle date de 1910. Pour l’automobile, il faut remonter aux années proches de 1890. Les titres des compagnies de chemins de fer commencent, eux, à prendre de la valeur quand ils ont été émis autour de 1850 et les certificats servant à financer le creusement de canaux sont très populaires lorsqu’ils ont été imprimés aux alentours de 1790. La toute première action de l’histoire aurait été émise par la Compagnie néerlandaise des Indes orientales en… 1606. Les experts estiment que son prix pourrait atteindre 2 à 3 millions d’euros si elle était proposée à une vente aux enchères.
  • Son importance historique: De nombreuses actions ont été émises dans des moments critiques de l’histoire. Du percement du canal de Panama à la guerre civile américaine en passant par le financement des colonies orientales, ces titres intéressent tout particulièrement les scripophiles en herbe.
  • Les autographes: Une petite signature peut faire toute la différence. Un simple chiffre le prouve… Huit des 10 anciens titres de bourse vendus le plus cher aux enchères portent le seing d’une personne célèbre. Le milliardaire John D. Rockefeller, le roi de l’acier Andrew Carnegie, le compositeur Johann Strauss ou les inventeurs Samuel F. Morse et Benjamin Franklin sont tout particulièrement populaires.
  • Les gravures: La beauté des illustrations sur les titres attirent aussi les collectionneurs mais ce "petit plus" ne permettra jamais à lui seul à une action d’atteindre des prix très élevés.
  • Son état de conservation: La règle est toute simple. Plus une ancienne action est bien conservée, meilleur sera son prix…

Facteurs imprévisibles

Ces critères, aussi valables soient-ils, ne représentent toutefois pas une règle d’or. Le marché des anciens titres en Bourse ou des obligations dépend en effet aussi de facteurs totalement imprévisibles. Il suffit ainsi par exemple qu’une personne retrouve dans un vieux coffre un paquet d’actions qui étaient auparavant jugées rarissimes pour que leurs prix s’effondrent immédiatement.

Au lendemain de la chute du mur de Berlin, près de 30 millions de titres appartenant à des allemands de l’Est sont apparus sur le marché, bouleversant ainsi toutes les règles établies par les collectionneurs. Depuis l’été 2009, les résultats des ventes aux enchères montrent toutefois que ce marché hors du commun a retrouvé un semblant de normalité avec des prix en forte hausse. Une enquête de l’hebdomadaire Wirtschaftswoche estime ainsi qu’un "portefeuille" d’anciennes actions rapporterait un rendement annuel compris entre 8 et 10%. Cette évaluation vaut ce qu’elle vaut mais elle montre que ces vieux bouts de papier peuvent encore rapporter gros.

10 ANCIENNES ACTIONS VENDUES AUX ENCHÈRES
Prix adjugé (Eur)Valeur mobilière
Type/Date d'émission
820.000Monte Carlo Carlo Bond Nr.1Obligation/1925
138.000
Standard Oil CompanyAction/1871
122.000
Deutsche BankAction/1871
81.000Pullmann's Car CompanyAction/1878
72.000United States Steel CompanyAction/1901
66.000New Orleans & Ohio Telegraph LesseesAction/1856
63.0005% US-Government BondObligation/1781
56.500Komische Oper WienAction/1871
56.000La Compania de Reales DiligenciasAction/1831
55.000
Standard Oil CompanyAction/1871

Sources: Christie's, HWPH Historisches Wertpapierhaus AG


Scripophilie

La scripophilie, appelée aussi scriptophilie (néologisme anglo-saxon), consiste à collectionner les anciens titres boursiers (et tous documents en rapport avec les actions, obligations, emprunts, coupons etc ...) qui ont été cotés, ou non cotés, sur unebourse des valeurs.

Ils n'ont donc plus aucune valeur boursière. Ils sont parfois très décoratifs et sont toujours un témoignage passionnant de l'histoire économique et sociale d'une région, d'un pays, d'une époque ou d'une famille. On peut définir le scripophile , ou collectionneur d'anciens titres, comme un historien économique. En effet, à travers sa collection, il conserve la mémoire et les traces de l'activité économique passée.

Les collectionneurs sont les scripophiles ou scriptophiles. La scripophilie est une passion relativement récente, apparue enFrance à la fin des années 1970 après avoir vu le jour en Allemagne fédérale quelques années auparavant. Ces collectionneurs seraient quelques dizaines de milliers essentiellement répartis entre l'Allemagne, la Belgique, la France, la Suisse, les Pays-Bas et les États-Unis.

Sommaire

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Intérêts de la scripophilie[modifier]

  • Intérêt historique : À travers certains titres (Cie du Canal de Panama, emprunts russes, etc.) on retrouve l'histoire économique et financière du capitalisme.
    • Le plus ancien titre connu à ce jour est celui de la Compagnie des Indes, fondée par l'écossais John Law de Lauriston en 1719, célèbre pour sa fracassante banqueroute, mais aussi pour être le premier en France à avoir offert des titres au porteur librement négociables.
    • Un des plus recherchés du xviiie siècle est le titre « Canal de Richelieu », daté de 1752, entièrement gravé à l'eau forte, comportant sept signatures et illustré par une médaille symbolisant le canal.
  • Intérêt artistique : Sur certains titres illustrés, on retrouve souvent une illustration de l'usine, du site de production, d'une scène de travail ou de produits fabriqués, alors même que les bâtiments industriels ou l'activité commerciale de la société n'existent plus aujourd'hui. Elle est comparable à la collection d'anciennes cartes postales et de photographies. Certains titres sont de véritables œuvres d'art. Pour placer les titres plus facilement auprès des particuliers, les émetteurs d'alors n'ont pas hésité à faire appel aux talents de dessinateurs renommés comme Jacques Deveria ou Alfons Mucha.
  • Intérêt régional pour les petites sociétés locales.
  • Intérêt familial ou généalogique pour ceux qui souhaitent retrouver des traces de leur passé. En effet, beaucoup d'anciens titres sont signés, de manière manuscrite ou fac similé, par les dirigeants ou les principaux administrateurs de la société.

Tous les secteurs d'activité ont été concernés par la création de sociétés par actions. Grâce aux anciens titres, on retrouve parfois la trace d'inventions géniales ou curieuses, à une époque révolutionnaires, mais aujourd'hui désuètes et tombées dans l'oubli. Des titres ont été émis dès le xviiie siècle et antérieurement, mais ils sont très rares. La plupart des titres furent émis au XIXe et XXe siècles jusqu'à leur dématérialisation au début des années 1980, surtout pendant les périodes d'expansion économique du capitalisme.

Parmi les grands classiques : Canal interocéanique de Panama (un des plus grands scandales politico-financiers), emprunts russes, Cie des Claridges Hôtels (magnifiquement illustré par un paquebot et une locomotive se faisant face), Omnibus de Paris (très belle gravure représentant les 21 monuments devant lesquels l'omnibus s'arrêtait), Établissement Léon Volterra et Théâtre Marigny (richement illustré et lié au scandale Stavisky), Banque de Cochinchine, Société des truffières de France, etc...

Cotation des titres[modifier]

Il n'existe pas de cote des anciens titres boursiers. Leur valeur estimée dépend surtout des critères suivants : état général du titre, date d'émission (âge) / nombre d'actions émises (tirage), rareté / secteur d'activité, thème (automobile, aviation, banque, casino, chemin de fer, cinéma, hôtellerie, mine, port, théâtre, usine, viticulture, etc.) / décor, illustrations, etc...

La qualité esthétique reste cependant essentielle. Sur plus de six millions de titres répertoriés dans les collections à travers le monde, à peine 10 % sont décorés. Plus un titre est décoré plus il prend de la valeur, surtout s'il est en couleur. Le nom de l'illustrateur fait aussi monter les prix.

  • Le tirage est presque toujours indiqué sur le titre. Les titres les plus recherchés sont ceux qui ont été tirés à moins de dix mille exemplaires. A défaut d'indication, il peut être calculé en divisant le montant du capital social de la société par le nominal de l'action.
  • Certains thèmes sont plus recherchés que d'autres comme ceux sur l'aviation, l'automobile, le casino, le cinéma et la vigne.
  • La date d'émission des titres est extrêmement importante. Elle est, là encore, presque toujours indiquée sur le titre (ceux des années 1900-1920 peuvent être déterminés en fonction de la valeur de la taxe indiquée sur le tampon fiscal, ceux des années 50 avec leur valeur nominale de plusieurs milliers de francs et ceux des années 60-80 par leur format normalisé 21x27cm). Les titres sont divisés en quatre périodes :
    • les titres du xviiie siècle (une quarantaine en France) ;
    • les titres de 1800 à 1848, période lors de laquelle peu de sociétés font alors appel à l'épargne à l'exception des mines de charbon et des sociétés de chemins de fer ;
    • les titres de 1848 à 1929, période lors de laquelle la révolution industrielle joue à plein et de nombreuses sociétés sont créées qui font appel aux particuliers pour se financer. La période s'achève avec la crise de 1929 et sa succession de faillites ;
    • après 1929, les titres émis jusqu'aux opérations de dématérialisation, ont peu de valeur aux yeux des collectionneurs.

Valeur financière[modifier]

En France, pays précurseur en la matière, les titres "papiers" sont sans valeur depuis la fin de la dématérialisation, le 3 novembre 1984, en vertu de l'article 94-II de la loi de finance pour 1982, loi n°81-1160 du 30 décembre 1981, et du décret n° 83-359 du 2 mai 1983. Après cette date, il y a eu quelques émissions d'actions françaises, non négociables en France, concernant des sociétés cotées sur des bourses européennes, comme Euro Disneyland et Eurotunnel.

En Belgique, la dématérialisation est effective depuis 2009.

Pour les autres pays, les titres gardent leur valeur (leur cours de bourse pour ceux qui sont cotés), tant que la société existe, à la condition qu'ils ne soient pas annulés : titre poinçonné, mention ANNULE, SANS VALEUR ou CANCELED ... Et certains figurent en bonne place dans les collections, leur valeur en tant qu'objet de collection dépassant leur valeur boursière.

Associations[modifier]

  • Association des Collectionneurs de Titres Financiers (ACTIF), 1. Créée en 1997, cette association de collectionneurs et de promotion des titres financiers anciens a succédé à l’Association Française des Collectionneurs de Titres Anciens.

Notes et références[modifier]

Liens externes[modifier]

  • Coollection.net Ce site montre de nombreux exemples d'anciens titres boursiers, classés par thèmes, pays, régions; certains présentés avec leur historique.
  • Scripophilie.com portail d'informations sur la collection des anciennes actions de bourse. Ce site permet de redécouvrir les témoignages et les scandales de l'histoire : les Emprunts russes, la construction du Canal de Panama, les affaires Oustric, Stavisky ...

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